Tu ne faisais confiance à personne. C'était difficile de croire en des gens qui, comme toi, n'étaient appâtés que par le gain et l'argent. Tes hommes te suivaient parce qu'ils sentaient le pouvoir et le profit, pas par idéalisme, rien ne les feraient rester le jour où la situation déclinerait. C'était d'ailleurs quelque chose que tu ne comprenais pas, l'idéalisme. Comment une idée pouvait te donner envie de sacrifier ta vie pour des gens qui ne connaîtraient même pas ton nom ? Cela te paraissait absurde et difficile, un espoir bien trop faible auquel s'accrocher.

Le fait qu'un homme à tes côtés préfère sa propre vie à la tienne ? Cela ne t'émouvait pas et tu n'en dormais pas plus mal la nuit. Tu aurais agi de la même manière. Pourquoi les garder à tes côtés alors ? Un empire vide n'a aucun intérêt, être le meilleur pour que personne ne fasse tourner les rouages, pour que personne ne puisse amasser encore plus... pour que personne ne puisse le voir ? C'était une notion tout à fait improbable dans ton esprit égocentrique.

Tu avais demandé à Xora Xiss un entretien.

Une Falleen. Tu te méfiais de cette race. On disait qu'ils étaient capables d'influencer les idées et les sentiments par quelques manipulations de phéromones et qu'il était généralement trop tard lorsque l'on s'en rendait compte. Tu n'avais pas croisé beaucoup d'autres Falleens jusqu'ici, en dehors d'elle, il fallait croire qu'ils étaient du genre à rester en communauté restreintes... mais les mots qui couraient sur les races et les gens hors normes avaient toujours un goût de vérité sous l'emballage de mensonges et de mythes.

Cette fois-ci, c'était toi qui venait en tant que demandeur. Un des hommes sur lequel tu avais trop longtemps fermé les yeux était parti avec quelque chose qui t'appartenait et beaucoup trop de données sur tes infrastructures qu'il pourrait partager avec n'importe qui contre une protection. Généralement, si quelqu'un désirait quitter ton équipage, aussi grand soit-il, il le faisait les pieds devants.

Bien sûr, tu ne pouvais décemment surveiller chaque personne qui travaillait à ton service, et même si un système de délation existait – que tu récompensais ou punissait selon la gravité de l'accusation – tu ne pouvais malheureusement pas filtrer toutes les taupes ou les rats.

Les informations que tu avais recueilli après sa fuite t'avaient tous indiqués de te diriger vers Xora. La rancune était quelque chose, mais celle de la Falleen était généralement plus importante que la tienne et tu préférais éviter de te la mettre à dos pour avoir exterminé quelques dizaines de personnes sur son territoire.

Tu avais des informations sur beaucoup des gens de ton organisation, certaines qui permettraient de te rendre indispensable, d'autres qui étaient des simples dettes qui permettraient de rendre la vie de n'importe quel être sentant invivable. Tu gardais ces informations dispersées dans des petites poches de données que tu éparpillais parmi d'autres et tu en confiais certaines, au compte-goutte, à tes bras droits. Qu'ils s'entre déchirent donc entre eux, qu'ils se croient supérieurs, cela leur éviterait de fomenter des rebellions.

Ta claudication s'entendait sur le sol métallique du vaisseau. Un bruit énervant qui ne laissait que rarement planer le doute sur ton identité ou sur ton arrivée. Tu l'aimais ainsi. Le bruit de ton masque, ta respiration était légère, on l'entendait à peine. A tes côtés se trouvaient trois de tes membres. Seulement l'un d'entre eux savait le pourquoi de votre visite chez Xora.

Il paraissait que l'on pouvait savoir si une Falleen utilisait ses phéromones à la couleur de sa peau. Qu'elle s'assombrissait ou au contraire prenait une nuance plus claire.

Toi qui ne voyait pas les couleurs, cela te laissait assez dubitatif et tu préférais rester à une distance polie de la femme à chaque fois que tu la rencontrais, tes seconds un peu en avant, le visage à découvert au contraire du tien. « Xora Xiss, c'est toujours un plaisir immense de pouvoir t'aborder, comment se porte ton empire ? » Tu écartais les bras en avançant, ton vocodeur laissant échapper le sourire dans ta voix malgré les intonations plus métalliques. « Je suis flatté que tu ais accepté de me recevoir aussi rapidement. »