Taanab la verte, planète luxuriante et poumon de la galaxie. Du moins si la galaxie avait pu respirer, or jusqu'à preuve du contraire, elle était entrain d'être asphyxier par les civilisations qui la peuplaient et les conflits qu'elles avaient fait naître. Quelle tristesse. Le Thorval s'était posé à sa surface avec pour mission de récupérer le ravitaillement nécessaire à la bonne marche sur restaurant tenu par Fauve. La cheffe cuisinière avait posé le pied à terre la première, bientôt suivis par quelques uns de ses hommes de mains qui allaient aider à charger les caisses de vivre dans la navette de transport. Sans attendre, la native de Corellia avait pris la direction de ses fournisseurs habituels, restant parfois discuter un peu avec eux pour prendre des nouvelles des récoltes, tester aussi les produits pour s'assurer qu'ils étaient toujours de bonne qualité. C'était sans doute l'une des parties préférés de son travail, le contacte avec ceux qui travaillaient la terre. D'autant qu'elle n'allait pas forcément voir ceux qui avait le plus grand rendement, elle privilégiait toujours les petits producteurs et les payaient bien mieux que les gros qui veillaient moins au cahier des charges.

Une fois les affaire réglées, elle avait accordé un peu de temps à ses hommes, la plus part avaient filé à la cantina la plus proches, ce qui n'était pas pour l'étonner. La femme décida d'aller flâner un peu, découvrir quelques chemins qu'elle ne connaissait pas encore, flanqué de l'un de ses plus fidèles hommes de main en la présence de Sky. C'était une ombre qu'elle oubliait parfois, sans parvenir à l'oublier complètement. L'étoile qui réchauffait Taanab était déjà haute dans le ciel, annonçant une journée chaude et ensoleillé. Fauve ne s'aventura qu'une petite heure car il était déjà temps de mettre le cape sur Corellia. D'un pas rapide, elle rejoignit la cantina où devait toujours être ses hommes. Elle y pénétra en lançant un regard circulaire pour les découvrir encore à table. Sky continuait de la suivre sans dire un mot.

_ Oh patronne ! On a mangé un plat, pas aussi bon que votre cuisine, mais bon sang tellement meilleur que ce qu'on mange dans toutes les cantinas de la galaxie ! dit l'un d'eux en lui montrant son assiette.

Fauve se pencha sur cette dernier pour voir ce qu'il en était. En effet, étrangement pour une fois ça ne sentait pas les produits de premier qualité qui manquait un peu de fraîcheur. A l'odeur toujours, elle notait des touches d'épices, un mélange assez intéressant qui lui était déjà arrivé d'expérimenter.  Pour une surprise, c'était une surprise. Elle hocha la tête sans daigner vouloir goûter, ce n'était pas son genre de toucher une assiette qui n'était pas la sienne. Un tic comme un autre pour un esprit rigoureux comme le sien. En faite Fauve n'aimait toucher à rien qui puisse appartenir à quelqu'un d'autre. Mais c'était un détail futile de sa personnalité ô combien compliqué sous bien des aspects. Ainsi était-elle faite, un peu bizarre sur les bords, mais très observatrice lorsqu'il le fallait.

« Pourquoi DIABLE la casserole de soupe est-elle au four ? On ne vous a pas appris qu’une casserole ça se met sur un feu ? » Non mais quelle idée d’engager un nouveau commis qui n’avait jamais mis les pieds dans une cuisine ? Ça fait déjà quelques mois que Kyla a posé ses valises sur Taanab mais elle ne se sent toujours pas à sa place. Quelque chose ne colle pas dans tout ça, comme si on avait voulu mettre du piment dans un plat censé être doux. Après ces années passées à vivre dans le feu de l’action, comment vivre intensément sur une planète où tout était calme ? Quand le patron de cette cantina a décidé d’accepter sa candidature, il ne savait pas que Kyla deviendrait la pire des marmites en ébullition de la brigade. Deux semaines plus tard, le chef rendait son tablier qui revint à la jeune femme, étant donné que personne d’autre ne voulait se dévouer pour lui donner des ordres.

Bon d’un autre côté, elle peut faire à manger avec les meilleurs produits à quelques planètes à la ronde. En même temps, la perspective de pouvoir vivre au cœur de champs et de travailler avec les gens qui nourrissent la moitié de la galaxie avait plus ou moins joué dans son choix de planète. Le lieu idéal pour se faire oublier pendant quelques temps. Après avoir quitté son poste dans la Résistance, mieux valait se faire tout petit, histoire de ne pas avoir affaire à d’anciens collègues qui … et bien qui ne pensent pas vraiment du bien d’elle. Qu’ils aillent se faire voir, elle ne supportait plus sa vie, malgré la conviction de se battre pour la bonne cause. Au final, elle avait troqué une vie de combat pour une autre vie de combat, mais contre des commis insupportables.

« Qu’est-ce qui cuit là-ded… oh. OH. Quelle horreur. SORTEZ. Non, vous savez quoi ? C’est moi qui sort ! » Kyla débarque en furie dans la grande salle de la cantina, et cherche son patron du regard. Il est à côté de l’orchestre et vu sa tête … il l’a repérée aussi. En quelques pas elle est à sa hauteur, petite silhouette à côté d’un colosse peu avenant. « Il va falloir m’expliquer pourquoi tous les commis que vous engagez sont des Ewok manchots patron ! » Un petit cri de protestation dans la foule des clients lui indique qu’elle a possiblement blessé l’ego d’un Ewok. « Kyla, si tu arrêtais de traumatiser mon personnel, peut-être que de vrai commis viendraient taper à ma porte. J’ai dû menacer le dernier pour qu’il accepte de bosser pour nous ! » Bizarrement, l’orchestre s’était mis à jouer de plus en plus fort, comme s’il savait que la jeune femme allait bientôt exploser. « Que … QUOI ? Oh ça va vous, vous pouvez arrêter de jouer aussi FORT NON ? » Sa voix perçante était couverte par le bruit des instruments, et bien heureusement, parce que sinon la clientèle serait tout de suite plus clairsemée dans la salle. Quelques clients proches du conflit et habitués à ce genre de scène commençaient à parier.

« Oh patronne ! On a mangé un plat, pas aussi bon que votre cuisine, mais bon sang tellement meilleur que ce qu'on mange dans toutes les cantinas de la galaxie ! »

D’un même mouvement, le patron et Kyla se tournent lentement vers la personne qui a prononcé cette phrase. Ils découvrent une tablée de gros durs à côté de laquelle se tient une femme rousse qui inspecte les assiettes d’un air critique. Le patron tente de retenir Kyla mais sa main n’accroche que du vide. Oh, non …

« Comment ça ‘pas aussi bon que votre cuisine’ ? C’est pas bon ce que je vous sers ? » Cette fois, toute la salle commence à prendre les paris.

Chaos en furie. Voix d'ailleurs. Qui diable venait troubler le peu de quiétude qui régnait dans cette cantina ? Sourcil arqué, bouche pincée, Fauve arborait le même air que son père quand quelque chose venait briser la tranquillité dans laquelle ils se trouvaient. Les liens du sang, on ne pouvait pas toujours y échapper, encore moins quand on avait tout appris du paternel. La cheffe fit un quart de tour en direct de l'humaine qui était venu se greffer imprudemment au semblant de conversation des hommes de main. La rousse l'observa sans rien un pendant un instant alors que l'autre s'adressait clairement à celui qui avait eu l'audace de parler à propos de la cuisine de ces lieux. Il n'avait qu'à se lever et il ferait deux têtes de plus que la jeune femme tout en étant deux fois plus large. Or, voyant que sa patronne ne disait rien, il n'en fit rien. Même si ce n'était pas l'envie qui lui manquait, personne n'avait le droit de s'adresser à lui de cette façon, encore moins cette furie. Néanmoins, il s'agissait d'une question culinaire à laquelle seule Fauve pouvait répondre.

_ Tout dépend si vous travaillez pour un restaurant gastronomique, finit par rétorqué la cheffe avec un léger sourire énigmatique. Ce qui n'est présentement pas le cas. Mais ça n'empêche en rien de faire de bons plats.

Le principe de Fauve l'empêchait de se livrer à une joute verbale comme l'inconnue semblait les maîtriser, même si elle était capable du même franc parlé. Quoi qu'avec un piquant bien plus subtile et bien plus d'humour pince-sans-rire que la plus part de ses employés pouvaient se l'imaginer. Cependant, face à la situation, elle optait pour une approche calme. De ce fait, malgré le sourire, le reste de son visage restait impassible. Son regard ne laissait rien dévoiler de ce qu'elle avait derrière la tête et c'était tant mieux, aujourd'hui elle n'avait pas prévu de mettre le bazar sur Taanab. Elle ne l'avait jamais fait jusqu'à présent et elle comptait bien continuer ainsi. On était pas sur Hutta ou une autre de ces planètes où les affrontements de cantina étaient monnaie courante.

Preuve en était de voir les clients qui les lorgnaient en ce demandant si la jeune femme allait en remettre au couche face au stoïcisme de la corellienne. Cette dernière n'était pas une adepte de la perte de temps, aussi la situation actuelle lui semblait en être une. Ce qui ne l'empêchait pas de la tester pour voir sa réaction, observer ce qu'elle allait rétorquer face au manque d'agressivité flagrant de Fauve, même s'il y avait une pique bien présente. Sauf que dans le font, elle n'en avait bien rien à faire cet électron surchargé qui avait l'air d'avoir besoin de faire tomber la fondre sur les pauvres bougres qui avaient des mots de travers à son goût. La galaxie était ainsi faite.

Vient-elle de se heurter à un mur de stoïcisme, pour la première fois en plusieurs mois … Si ce n’est plusieurs années ? Les gros malabars attablés devant elle ne pipent pas un mot alors que la femme qui semble être leur patronne – Kyla a toujours eu un don pour repérer qui est le chef – lui répond tranquillement.

Un restaurant gastronomique, hein ? Tss. Si Kyla est loin de bosser pour des fines bouches, ça ne l’empêche pas de faire de son mieux pour que les clients reviennent et jusque-là, ils ne se sont pas plaint. Enfin pas tous, du moins. Et puis ils sont assez malins pour se donner le mot : ne JAMAIS critiquer la cuisine de cette cantina, on sait jamais ce qui peut atterrir dans votre dessert ou votre bock d’alcool. En quelques semaines, la réputation de Kyla s’était répandue aux alentours, tant pour sa cuisine que pour son caractère.

Le calme de la rousse lui tapait sur le système, et c’est là qu’au fond de sa caboche une étincelle de bon sens fait son apparition. Il parait que ça s’appelle l’instinct, et Kyla n’est pas assez bête pour l’ignorer. Un vieux souvenir de ses premiers jours dans une cuisine lui revient en mémoire. L’huile s’était mise à brûler, et dans la panique, elle avait jeté de l’eau dessus, provoquant un feu plus impressionnant qu’elle ne l’aurait imaginé. Son chef lui avait sauvé la peau du visage en jetant un couvercle sur l’incendie naissant avant de lui dire : « ma petite, on t’as jamais dit de ne pas jeter de l’huile sur le feu ? Et bah c’est pareil dans ce genre de situation, jette pas de l’eau sur un truc qui brûle comme ça. » Et bizarrement, la perspective de la conversation à venir lui fait penser à ça. L’idée de battre en retraite face à cette femme ne l’enchante pas, mais …

« Il ne suffit que d’un regard pour voir que vous avez les mains de quelqu’un qui travaille en cuisine. Vu votre suffisance, je dirais même que vous travaillez dans ce que vous pensez être un restaurant gastronomique. » Bon, pour l’instant, elle ne peut pas faire plus gentil. Allez, on tente de dire quelque chose d’avenant ? « Mais si vous êtes ici, c’est probablement pour les vrais produits de qualité qu’on trouve sur Taanab, j’imagine. » Elle pousse même jusqu’à esquisser à sourire, mais elle est sûre que la rousse peut voir le feu dans le fond de ses yeux.

Fauve observait le brin de femme qui lui tenait tête, des caractères comme ça elle en voyait à la pelle dans le reste de la galaxie quand elle n'était pas entrain de travailler dans des cuisines. Sans compté qu'elle avait grandit entourée de gros bras à la mine patibulaire et que son père l'avait malicieusement préparer à devoir gerer des personnalités parfois hors-norme. Si bien que la Cheffe restait de marbre, peu encline à trembler sous les gueulantes. Après tout elle avait déjà dû faire face au premier ordre pour des réceptions et autre. Alors une employée dans une cantina… Pas une once d'agacement, de haine ou quoi que ce soit qui aurait montré une réaction humaine de la part de la native de Corellia.

La rousse croisa les bras contre elle, sentant comme cette joute verbale avait l'air de captiver l'auditoire présent. La jeune femme reprit la parole et elle prit soin de l'écouter avec attention pour noter ses paroles. Nul doute qu'elle n'appréciait pas le ton de la Cheffe, mais à vrai dire elle n'en avait pas d'autre, donc il faudrait faire avec. A croire qu'ici tout le monde la laissait faire ce que bon lui semble. Certes au vu de ces dernières phrases on pouvait aisément croire qu'elle la méprise, mais il ne s'agissait que d'observation, une observation minutieux pour savoir à qui elle avait à faire, comment anticiper les prochaines paroles et surtout comme rester d'une neutralité désarmante pour garder la main s'en tirer à bon compte. Après tout Fauve n'était pas venu là pour des exercices de verbiages mais bien pour venir s'approvisionner et repartir avec des produits frais de qualité pour son restaurant. Si bien que leur que son interlocutrice eut fini ce qu'elle était entrain de mettre en évidence, Fauve arqua un sourcil.

- Oui et donc ? Dit-elle avec stoïcisme, parce qu'après tout cette dernière phrase qui sonnait comme une affirmation semblait manquer de quelque chose.

Nouveau tacle de Fauve qui semblait attendre autre chose d'un peu plus pertinent que ce qui était facile à deviner. Voilà tout ce qu'elle répondit, faisant toujours autant preuve d'indifférence face à nue demoiselle qui semblait avoir envie d'en découdre pour aujourd'hui. Pas sûr qu'elle soit tombé sur la bonne personne ce jour là… Personne n'empêcherait Fauve d'être égale à elle-même et impassible face au commun des mortels. Elle sentait néanmoins le regard de Sky qui se demandait où tout ça allait les mener, si ce n'était pas une veine perte de temps pour sa patronne et qu'ils feraient mieux de quitter la cantina parce que tout ceci n'avait pas de sens. Mais la nature humaine en elle même n'avait pas de sens...

Le cerveau de Kyla bouillonnait. Plus de doute, la femme qu'elle avait en face d'elle avait quelque chose de spécial, en plus d'être très emmerdante et trop calme. Si elle avait très envie de lui hurler dessus, elle entendait la (très) petite voix de sa conscience lui murmurer que cette femme avait une tronche de … d’opportunité. Elle aurait un avis extérieur sur sa cuisine. Et si …

« Et donc vous n’êtes peut-être pas si … bref. Puisque vous semblez si bien vous y connaitre en cuisine, vous et votre … hum, votre grand musclé, suivez-moi. Je vais vous faire goûter le meilleur plat du coin. »

Était-ce son caractère de chien ou la curiosité qui poussa les deux personnes à la suivre dans les cuisines de la cantina, Kyla ne le saurait sans doute jamais, mais ils s’exécutèrent, sous le regard désapprobateur du patron de la cantina. La jeune femme résista à l’envie de lui montrer un certain doigt, parce que bon, elle tenait un minimum à son boulot. La rousse était juste derrière elle, et l’autre suivait. Sûrement son garde du corps. Kyla s’en foutait comme de sa première couche, mais elle nota intérieurement de garder un couteau pas loin d’elle une fois dans la cuisine, parce que le gars avait pas non plus l’air sympa.
Ils pénétrèrent dans l’antre de la jeune femme et furent assaillis par les odeurs aussi différentes qu’envahissantes. Les épices, l’odeur un peu rance de la viande, les fruits frais ou cuits … Tout se mélangeait dans les narines de Kyla, pour son plus grand bonheur.

Dans un coin, le commis frottait le fond d’une casserole, et se mit à trembler quand la jeune femme passa à côté de lui. « Faites pas attention à lui, et ne le regardez pas dans les yeux, apparemment ça le fait tomber dans les pommes. » Ce qu’il fit sur le champ, dans un fracas de ferraille. « Les jeunes de nos jours, ils tiennent pas deux minutes dans une cuisine. » dit Kyla, même si elle se doutait un peu que les jeunes devaient surtout avoir du mal à tenir sous sa direction, tant elle pouvait être exigeante.

« En parlant de pommes … Je crois que ce dont je vous parlait doit être cuit. » Elle se munit d’un grand torchon pour sortir un grand plat du four. Elle eut vite fait de retourner son contenu dans un grand plat pour le présenter à la rousse. « Et voilà, m’sieurs dames, la meilleur tarte tatin du coin ! » Elle lui tendit une grande cuillère. « Goûtez-la, je vous en prie ! » Quelqu’un qui ne connaissait pas Kyla aurait pu être surpris en voyant l’éclair de malice passer dans son regard. Sa tarte tatin, personne n’y résistait. Même pas … cette femme. Elle en mettrait sa main à couper. Enfin disons, juste un doigt.

Fauve et Sky échangèrent un regard certes complice mais dénué de tout sourire. Ils se comprenaient de cette façon, sans avoir à échanger le moindre mot. Aussi, face à la situation présente, il fallait se passer de toutes conversations superflux. La native de Corellia n'avait jamais été contre quelques petits challenges ou à de la curiosité professionnelle, aussi elle et son homme de main mirent le cap sur les cuisine de la cantina. Tous les trois prirent ainsi la direction du repère de la jeune femme qui lui faisait davantage penser à une petite bête hargneuse qu'à un être humain. Mais là n'était le sujet.

Fidèle à elle même, la rousse restait d'humeur égale, observait le monde qui l'entourait sans plus laisser paraître quoi que ce soit, encore moins lorsque l'histoire du commis fut aborder. On entendant jamais une gamelle tomber dans son restaurant, elle avait toujours eu des collaborateurs soucieux du travail bien fait. D'autant que quand le premier ordre débarquaient en plein coup de feu, il était de bon ton de garder de la contenance. A dire vrai, elle voulait qu'on en arrive au fait et cela ne tarda pas pour son plus grand bonheur.

La multitude d'odeurs qui se baladaient ça et là n'étaient pas pour dépayser la Cheffe, certaines semblaient plus intéressantes que d'autres au vu de l'endroit où ils se trouvaient. En général les cantinas de la galaxie n'étaient pas réputé pour servir la meilleure des nourritures, mais elle restait de moins piètre qualité qu'ailleurs où il n'y avait aucun respect des ingrédients. Or ici… On sentait l'effort fait et le travail pour rendre les plats savoureux. A n'en pas douter cela était dû au fait de la jeune femme au mauvais caractère.

Cette dernière, non sans quelques malices derrières la tête, sortie un dessert du four en invitant Fauve à goûter. Non sans une légère moue pensive qu'elle ne pouvait plus s'empêcher de faire aujourd'hui – à force de travailler en cuisine avec sa brigade – la cheffe attrapa une cuillère propre et la plongeant dans la tarte tatin. Elle porta l'ustensile à sa bouche et souffla un peu sur la tarte pour ne pas se brûler le palais. Suite à ça, elle referma ses lèvres sur le métal. Sky l'observait, lui qui avait l'habitude de la voir faire des dégustations. Fauve retira la cuillère et garda la bouchée sur sa langue. Les saveurs étaient intéressantes… Un produit de qualité… Mais, il manquait peut-être une pointe de finesse et d'équilibre. Du reste c'était appréciable et de bien meilleur goût que le reste de la malbouffe galactique. Néanmoins, pour ne pas donner une lueur d'espoir à la jeune femme, elle gardait un air sévère et énigmatique. Fauve était indescriptible.

- C'est intéressant, dit-elle dans un premier temps. Bon et intéressant, même s'il manque encore un peu de subtilité dans le mariage de la pomme et de la cannelle. Peut-être changer la variété.

Fauve reposa son regard sur la jeune femme pour observer sa réaction. La corellienne n'était pas connue pour sauter au plafond ou s’extasier à chaque plat, mais elle avait toujours une bonne critique pour aider à s'améliorer en toute chose. Et la jeune femme qu'elle avait en face d'elle avait encore à apprendre, cependant elle avait déjà un très bon niveau et ça ce n'était pas le cas de toutes les personnes qui mettaient les pieds dans une cuisine.

La variété des pommes. Oui, c’est sûr que les pommes de Taanab sont bonnes, mais elles ne valent pas celles de Corellia. La brune en a conscience, et elle voudrait pouvoir impressionner la rousse qui se tient, stoïque, au milieu de sa cuisine. De la colère profonde et presque injustifiée, elle est passée à l’envie d’être reconnue pour son talent. Elle ne sait pas vraiment pourquoi, mais elle sent qu’une occasion de changer de vie s’est présentée en même temps que cette femme est arrivée dans cette cantina.

« Oui … je comprends. C’est une recette de Corellia. La-bas, les pommes sont bien meilleures et plus adaptées pour ce dessert, mais j’ai toujours aimé cette tarte. Je la fais dès que j’en ai l’occasion, et un fournisseur m’a apporté une nouvelle variété. J’avais l’espoir que ça puisse donner quelque chose d’aussi bon que ce je faisais quand j’étais petite … Enfin bref. » Bravo Kyla, très belle entrée en la matière. Elle devrait se taire, mais son cerveau commence a bouillonner. Et si … Et si cette occasion ne se présentait plus jamais ? Qui est cette femme au palet assez fin pour pouvoir déterminer aussi vite que son dessert n’est pas préparé avec les bonnes pommes ?

Certains croient au destin. Jusque-là Kyla n’y a jamais cru, mais les choses changent. Elle est prête à croire a tout ce qui pourrait lui donner un vrai but, tout ce qui pourrait apporter un sens a son errance. Passer de planète en planète, de cantina en restaurant, sans jamais s’installer où que ce soit, sans autre chose qu’un gros sac d’affaires qu’elle traine derrière elle a chaque départ … C’est pas une vie. Depuis qu’elle a quitté la Résistance, elle n’est que l’ombre d’elle-même. Mais cette femme, elle lui donne envie de tout quitter pour changer de vie. Pourquoi ?

« Vous savez … Je cherche quelqu’un qui pourrait m’apprendre de nouvelles choses. » Allez, dis-lui. C’est pas si dur de se jeter au cœur d’une bataille. Pourquoi ça le serait de demander quelque chose à une inconnue ? « Laissez-moi vous suivre. C’est pas une question de pommes, c’est une question de moyens, d’envie de bien faire. Comment je pourrais faire quoi que ce soit correctement si je suis ici, si je soupire chaque matin à l’idée d’être coincée dans cette cuisine étriquée, avec des collègues qui me craignent ? » Elle ne veut pas avoir l’air d’implorer la rousse, mais c’est plus fort qu’elle. Chaque mot la rend plus déterminée à convaincre la femme de l’emmener avec elle loin d’ici. « Emmenez-moi, laissez-moi vous montrer que je suis le cuistot qu’il vous faut, ou le soldat, ou n’importe quoi. Je ferais tout pour me casser d’ici. »

Si l'humanoïde en face en Fauve s'était montré belliqueux et sûr de lui, il en était tout autrement à présent dans ces cuisines. Dans le reste de la cantina, personne n'entendait hurler. Bonne ou mauvaise chose ? A n'en pas douter, l'autre de la corellienne était dans les parages, il ne fallait pas s'attendre à des scandales, son indifférence naturelle était la parade la plus désarmante qu'il soit face aux individus agressifs. Ou bien parce qu'en général elle n'était pas seule ? Toujours flanqué de Sky ou Rundo qui la suivaient comme une ombre. Certes, la présence des hommes de main était parfois suffisant pour dissuader les autres. Pas la jeune femme qui venait de lui faire goûter la tarte tatin. Les caractères de chacun… Pas la peine de rentrer dans ce genre de détail.

Elle avait entendu les explications sur les pommes. En effet, toutes les variétés ne s'égalaient pas, les saveurs changeaient suivant le mode de cuisson, etc. Bien des choses qu'il fallait savoir et maîtriser. Un indice de plus sur les grandes qualités de la jeune femme en face de la rousse. Connaître ses produits étaient toujours bon signe pour de futur collaborateur. Mais la suite de la conversation n'en était pas moins… Inattendu ? Difficile de dire si Fauve s'y attendait au non. Peut-être qu'au fond d'elle même elle en avait eu quelques indices. Travailler dans une cantina alors qu'on avait indéniablement un talent qui valait mieux que ça… Mais sans revenir sur les réflexions que cela impliquait.

Fauve croisa les bras dans son dos, gardant une posture droite et élégante qui laissait transparaître la rigueur inhérente à sa profession. L'heure était à la réflexion. Il n'était pas toujours évident de se rendre compte comme on pouvait tenir l'avenir d'une personne entre ses mains. Fauve analysait la situation avec attention, pesant le pour et le contre tandis que son interlocutrice jouait franc jeu. Elle sentait le regard de Sky sur elle, lui, le conseiller silencieux qu'elle aimait à écouter sans un bruit, sans un mot. Elle le savait réticent à l'idée d'avoir un personnage pareil dans les cuisines du restaurant gastronomique sur Corellia. Mais au final ce serait à Fauve qu'incomberait la tâche de la rappeler à l'ordre.

- Très bien, je te prends à l'essaie, répondit-elle finalement. Mais je ne veux pas entendre une seule casserole voler dans mes cuisines. Je veux une brigade concentrée et efficace.

A la première poêle de travers, Fauve ne se gênerait certainement pas pour envoyer des gros bras pour un rappel à l'ordre. Les siens avaient tendance à être un peu trop expéditif, Sky ne le savait que trop bien. Ce dernier esquissa un sourire léger, presque invisible, déjà amusé à l'idée de ce duo somme toute improbable au regard de ce qui s'était déroulé précédemment. Hélas, la native de Corellia aimait les challenges et ces derniers temps elle n'en avait pas eu énormément à relever. Elle espérait néanmoins ne pas avoir de regrets. Seulement des surprises et des bonnes.  

Si Kyla en avait vu plus souvent au cours de son errance galactique, elle aurait reconnu cette main tendue de la rousse, qui venait de lui offrir ce qui serait bientôt la meilleure place que la jeune femme pouvait espérer. Mais il lui faut un certain temps avant de comprendre que son laïus a fait mouche et qu’elle a en face d’elle sa nouvelle patronne. Elle comprend petit à petit qu’elle va enfin cuisiner pour quelqu’un qui a l’air d’apprécier les bonnes choses. Et aussi avec des gens compétents ? Elle l’espère.

Fini, les cuisines exigües et crades dans lesquelles elle a passé des années à pester contre ses collègues. Fini, les patrons louches au mœurs douteuses. Fini, les cantinas miteuses où il ne se passe pas une soirée sans qu’elle soit en danger de mort à cause d’un braquage ou d’une bagarre. Et surtout, fini la pauvreté forcée. Elle le sent, elle a le nez pour ça : elle va se faire des couilles en or. Enfin elle va se remplir les poches, quoi. Bref. Pour peu que ses futures activités l’amènent aussi au cœur de l’action, ce sera parfait. L’avenir est prometteur, ça oui.

Les deux femmes échangent une poignée de main. « Au fait … Moi c’est Kyla Waldon. » La rousse lui répond, et son homme de main lui fait signe qu’ils doivent partir. Elles ont rendez-vous dans deux jours, et Kyla sait déjà que ces 48 heures vont être des plus longues qu’elle ait connu. « A dans deux jour … Fauve Yhadgar. »