Malastare grandissait à vue d’oeil et bientôt je pu en discerner l’horizon. Dtin m’avait rejoint et je devais admettre que je fus surprise de son calme quand j’évoquais sa fille. Il avait été si tendu quand j’avais parlé à demi-mot de son passé, j’avais craint qu’il ne voit ma question comme une menace, là où ne se trouvait que de la curiosité et un intérêt poli. Voilà qui faciliterait l’échange, je ne m’en plaignais pas.
- Votre dossier n’est pas détaillé quant à votre situation familiale et ce sont des choses que la politesse demande d’apprendre en échangeant. Je l’ai croisée, en effet, mais je n’étais pas encore bien certaine que cette enfant était la vôtre.
La petite avait été discrète sur son identité, j’avais appris par la suite que Gal’aad avait quelque peu intimidé l’enfant via son père et de fil en aiguille, j’avais compris que le père qu’elle avait évoqué comme travaillant sur la base de Borosk était vraisemblablement mon second. Je trouvais la situation intéressante, j’étais moi-même très jeune quand j’avais commencé à accompagner Thrawn entre les murs du Premier Ordre. Un peu moins jeune, peut-être, mais j’avais vu chez la petite comme un écho de la gamine que j’avais été, fouinant dans les couloirs, cherchant à s’occuper sans trop attirer l’attention. Un exercice plus simple pour une petite humaine qu’une petite chiss, difficile de cacher qui l'on était quand on était la seule enfant à la peau bleue de toute la base.
- Oui, ça, elle me l’a dit. C’est un projet intimidant pour un âge aussi jeune. J’en savais quelque chose, je n’étais pas beaucoup plus vieille quand je me destinais à devenir pilote pour l’armée de Thrawn. Bien sûr, l’Académie Chiss était un rien moins rigide que celle du Premier Ordre, mais inutile d’effrayer cette enfant plus que nécessaire avant l’heure. Si elle recelait un tant soit peu de potentiel, elle serait au meilleur endroit pour les exploiter pleinement. Ça reste une belle opportunité pour elle.
Il serait tout aussi bien de ne pas avoir à lui ramener de telles histoires, en effet, et la formulation m’amusa. Je ri brièvement, espérant ne pas me tromper en ayant interpreté un signe d’humour dans son promos.
- Vous ne croyez pas si bien dire. Il y a des créatures assez stupéfiantes sur ce monde que je n’aimerais pas approcher. Mes recherches sur la faune locale m’avaient menés à une bête d’une taille que j'espérais surestimée : une créature égalant la longueur d’une corvette de classe Raider, aux plaques de carapaces aussi résistantes que du duracier et capable de gober cette navette-ci sans le moindre effort, très peu pour moi.  En tout cas, d’une taille bien trop grande pour qu’on en ramène un souvenir à votre fille, ma soute n’est malheureusement pas assez grande pour ça. Plaisantais-je.
Je manœuvrais pour placer mon appareil en orbite haute. Sur l’écran de mon tableau de bord défilait déjà quelques bribes de données incohérentes pendant que les appareils scannaient un large champ de fréquences. Nous en avions pour un petit moment.

C’était donc ainsi que s’était conclue leur rencontre. Bien entendu, je n’avais pas interrogé Gal’aad à ce sujet, contrairement à ce que je laissais souvent croire, je savais faire preuve de prudence, parfois. Cela ne me surprenait qu’à moitié qu’il soit à l’origine de cette entrée si précoce de la petite Mieg à l’Académie.
Les données défilaient sous mon regard distrait : je m’assurais juste que la sauvegarde s’effectuait normalement mais c’était surtout un prétexte pour laisser mon regard dériver. Je n’étais pas pour une entrée forcée dans l’armée. En général je n’étais pas favorable aux enrôlements forcés, même si je devais faire avec. Selon moi le volontariat était la base d’un réel engagement. Ceci dit, la fillette ne m’avait pas semblée plus réticente que ça, puis elle était bien entourée. Moi-même j’avais bien l’intention de suivre cette histoire même si je n’avais pas à interférer. Aussi je me demandais si c’était que ce que Thrawn avait ressenti vis à vis de moi quand j’avais voulu m’engager, moi aussi très jeune.

- Et nous n’en reviendrions pas vivant de toutes façon. Approuvais-je alors que nous débâtions de la faune locale. Je peux vous assurer que la chasse à la bête démesurée n’est pas du tout dans mes occupations habituelles. J’avais clairement une curiosité sans limite qui s’appliquait également aux bestioles méconnues, quand bien même celles-ci étaient de taille à me gober moi ainsi que mon vaisseau, mais ramener des trophée de chasse ou fanfaronner sur ce genre de chose, très peu pour moi. Ceci dit, les bêtes de Malastare étaient assez extraordinaire pour me donner envie au moins d’en apercevoir une. Mais pas aujourd’hui, ce n’était pas au programme. Je glissais cependant dans un coin de mon esprit les collections de la petite humaine en me disant que je pourrais bien lui céder le sous-bock qui provenait d’un bar de Csilla et qui s’était retrouvé un jour dans mon sac. Il lui serait bien plus utile qu’à moi. Je fus tirée de mes réflexions par un bip instant, un voyant lumineux rouge sur la console puis une alarme dans la navette.
- Hum… J’affichais les détails et lâchais par réflexe un juron de ma langue natale. Chose rare venant de moi et très mauvais signe, en effet, un capteur de surveillance de Malastare essayait de nous localiser. Accrochez-vous, on doit bouger.
Je laissais au lieutenant le soin de garder l’oeil sur les mesures et rétablis le pilotage manuel en quelques instants. Pour le moment rien n’était encore critique mais si le radar calculait l’orbite probable de la navette, alors il détecterait l’appareil et aurait tout le loisir de scanner nos fréquences et savoir ce que nous mijotions. Nous n’étions pas encore vu et j’avais bien l’intention que ça reste le cas. Les moteurs se remirent en marche et je quittais au plus vite cette position. Quelques manœuvres plus tard, soit quelques tonneaux et deux vrilles - pour le plaisir - je calmais les moteurs et cherchais une position plus discrète pour poursuivre le balayage de la zone. Ce petit vol nous avait menés au-dessus d'une zone bien moins surveillée, assez loin du spatioport le temps de faire retomber tout risque de nous faire repérer. Nous survolions la face plongée dans la nuit de la planète. Le scan de la zone reprit, sondant le sol local en recherche d’infrastructures émettrices. Il y eut un autre bip puis un voyant s’alluma de nouveau,  vert cette fois ci.
- Ça, c’est déjà mieux. Le radar a repéré une antenne aux défenses moindres… De ce que j’en vois, on dirait du matériel abandonné mais encore actif. Si on pouvait poser un mouchard dessus…
Je tournais un regard curieux vers le lieutenant Dtin. Cela impliquait se poser, même quelques instants pour déposer cet appareil qui pourrait exploiter la faible protection de cette antenne et s’infiltrer dans les communications de plus haut niveau de la planète. Ce serait un atout précieux et je tenais peut-être une ouverture unique qui nous épargnerait plusieurs heures de scan et plus encore en décodage des réceptions cryptés. Une fois à l'intérieur du système, nous aurions accès aux données brutes… Plus j'y pensais, plus cela semblait être une opportunité à ne pas laisser passer.

Je contemplais les données en réfléchissant. L’ouverture était terriblement tentante, un peu trop même, et je me devais d’être prudente. Même si j’aimais alimenter ma réputation qui disait le contraire, j’avais quelques notions de prudences et surtout quand la vie de quelqu’un d’autre était en jeu. Jamais je n’aurais pris le moindre risque impliquant le lieutenant Dtin si je n’avais pas l’assurance que, d’une, il n’y aurait pas de danger excessif, deux, cela pourrait réellement apporter quelque chose. D’ailleurs les réserves de mon coéquipier étaient parfaitement fondées et même plutôt lucide.
- C’est vrai, il y a un risque pour que l’endroit soit plus actif qu’on ne le pense, auquel cas il est en effet hors de question de forcer l’endroit à nous deux.
En réalité, de l’équipement d’infiltration j’en avais. Enfin, pas du matériel de pointe, plutôt de la récupération de matériel impérial obsolète, dont certains que j’avais à moitié démonté pour tenter de les améliorer à ma façon, mais cela restait une bonne petite réserve de matériel utile en cas de nécessité. De toutes façon je n’avais pas envie de révéler à Qennto le bric-à-brac qui régnait dans la soute de mon vaisseau, dont le sas était soigneusement verrouillé et dont je ne laissais entrer que très peu de personnes. Mon image d’officier consciencieuse et précise en aurait pris un coup.
- Mais s’il est complètement abandonné, excluant donc la contrainte de l’infiltration, nos équipes des renseignements pourraient l’exploiter pour s’introduire dans les systèmes et nous offrir un avantage qu’il serait bien dommage de laisser filer. Cependant… Je laissais planer quelques secondes, le temps de prendre ma décision définitive. Il est impensable de prendre ce risque. Je note les coordonnées, les renseignements déterminerons si l’envoi de droïde sondes pourraient leur être utile.
Je lançais un regard à Dtin mais même je doutais qu’il puisse capter mon expression à peine esquissée voulant signifier “rassuré ?”.
Au moins, nous survolions une zone plus calme et peu vérifiée par les senseurs de Malastare, ce qui me permit de relancer des scans plus poussés. Je me levais pour m’assurer que le tube sur lequel Csairiv était accroché était encore assez nourrissant et envisageais d’aller me faire un peu de thé pour passer le temps. Je me tournais vers Dtin, dans l’intention de lui en proposer une tasse, quand mon regard se perdit vers le ciel où des déformations indistinctes parmi les étoiles attirèrent mon regard.
- Et m…. Je retins mon juron à temps en sautant à bord des commandes. Ce type de moirage ne pouvait vouloir dire que deux choses : ou la présence d’un vaisseau massif dissimulé, ou… Tempête ionique en formation.
Quand les capteurs des vaisseaux les détectaient il était souvent trop tard, le seul moyen de ne pas se trouver pris dedans et épargner son équipement, c’était d’en percevoir les prémices, ou d'être assez loin. Je remis les moteurs en marche mais la tempête se formait à une allure folle juste au-dessus de nous. Nous avions deux choix : pousser les moteurs dans l’espoir de la contourner - ce qui était déjà perdu d’avance - ou plonger. Mon choix fut vite fait. La navette piqua vers le sol, nous passions la barrière du champ électromagnétique de Malastare alors que les premiers éclairs apparaissaient derrière nous. Je ne pouvais cependant pas rester à cette altitude, trop proche des satellites de sécurité, je continuais la plongée, notre seule chance se trouverait sous la couche nuageuse, en dessous de la portée des radars aériens. Au moins le temps que la tempête se calme.
- Et sans un seul tonneau. Commentais-je une fois l’appareil stabilisé. Tout va bien, pas trop secoué ?

Mon pilotage était déjà éprouvant pour un passager quand j’étais aux commandes d’un chasseur, mais quand c’était le Phantom que je maniais, sa masse plus conséquente rendait toute ses accélérations et virages bien plus intense. J’étais consciente que mon second avait peu de chance de bien le vivre. Moi-même, alors que j’avais été pilote une bonne partie de ma vie, je me sentais les sens en vrac et l’oreille interne ne sachant plus trop ce qu’il en était de la gravité. Le tout me procurait une légère nausée qui en disait long. Je tournais la tête et découvris un humain un peu plus blanc qu’à son habitude et dont les mains allaient finir par entamer le revêtement du siège. Même si mon idée n’avait pas été de le tester face à cet imprévu-ci, je devais reconnaître que là aussi il encaissait bien. Le lieutenant Dtin n’était pas des plus impressionnant et ne cherchait pas à se faire passer pour le caïd de la galaxie, pourtant il avait étonnamment bien tenu le choc. A présent hors de danger, je restais aux commandes et adressa un bref signe de tête à l'infortuné humain.
- Je vous en prie.
Une fois seule, je m’amusais à imaginer le Precursor tentant ce type de vol et la pagaille que cela pourrait mettre à bord. Je pouffais de rire derrière ma main, avant de respirer profondément, laissant couler dans mon esprit les restes de l'adrénaline qui était montée au moment où j’avais compris qu’une tempête nous menaçait. Une fois assurée du calme, aussi bien interne qu’externe, je me désanglais et fit quelques pas dans le cockpit. Mon inquiétude se porta vers Csairiv. L’ysalamir était une bestiole paisible que je n’aimais pas savoir secouée, mais même s’il me sembla nerveux et particulièrement bien agrippé à son support, il n'avait pas avoir souffert. Pour m’en assurer, je le décrochais avec précaution et voulu l’examiner, mais il se raccrocha aussitôt à mon bras, je grimaçais d’ailleurs en sentant ses griffes m’entailler un peu la peau. Il semblait indemne mais définitivement anxieux, je décidais donc de le garder sur moi tout en rejoignant la zone de vie.
Heureusement les compensateurs étaient bien plus puissants ici que dans le cockpit et rien n’avait été trop secoué. Je ne cherchais pas immédiatement après le lieutenant, lui laissant le temps de se remettre de ses émotions. Non, je m'intéressais à la théière et entrepris de faire chauffer un peu d’eau et préparer le thé pour deux tasses, s’il n’en voulait pas, ça en ferait plus pour moi. Je m’installais tout en prenant soin de garder un bras libre - Csairiv tentait de gagner du terrain - et commençais à savourer ma tasse quand j’entendis des pas sur le sol métallique.
- J’ai fait un peu de thé si vous en voulez. Vous allez mieux ? Mon inquiétude était réelle et pas seulement parce que je n’avais pas envie de nettoyer le sol de ma navette. En vérité, je m’en voulais un peu de l’avoir embarqué là-dedans. Il n’y avait pas de danger réel mais l’imprévu guettait en tout occasion, fort heureusement nous ne revenions pas bredouilles et s’il n’avait pas été là, j’aurais sans doute été sur le sol de Malastare, à prendre d'assaut une antenne désaffectée avec mon blaster et mon courage. J’ignore combien de temps on va devoir rester là, ces tempêtes sont bien trop aléatoires. Le plus court sera le mieux, à cette altitude le carburant part à toute allure.
Je ne faisais jamais dans l’optimisme quand il y avait de quoi s'inquiéter, d’ailleurs je pianotais à présent sur mon datapad pour lancer une estimation de la durée de vie de nos réserves. Le résultat me fit froncer un sourcil soucieux et je déposais le pad devant moi, puis me forçais à sourire.
- La bonne nouvelle c’est qu’on capte un éventail de transmission bien plus ample maintenant que nous sommes aussi proche du sol. Je plongeais le nez dans ma tasse, soufflant légèrement sur le liquide parfumé, avant de relever le regard. Désolée de vous avoir entraîné là-dedans.
Il m’arrivait de prendre des risques, souvent même, mais je détestais avoir à impliquer d’autres personnes que moi. Nous étions des officiers du Premier Ordre, ce n'était pas le plus sécurisant des métiers. Même à bord du plus solide des Destroyer nous n’étions pas en sécurité, d’ailleurs dans cette navette presque indétectable et absente de toute recherche, même sous une tempête ionique nous étions peut-être plus en sécurité qu’à bord du Precursor en pleine période de conflit. A tout moment nous pouvions être la cible d'une attaque de la Résistance, ou pire. Mais le danger semblait infiniment plus réel à bord d'une navette, quand on savait que quelques centimètres de duracier à peine nous séparaient du vide stellaire.