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When there’s dirt beneath the dirt — Aysun.

Valraym Meakil
Valraym Meakil
KINGSMEN
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Avatar : Avan Jogia.
Holopad : When there’s dirt beneath the dirt — Aysun. AGcSoPq

Oh we don't own our heavens now
We only own our hell


When there’s dirt beneath the dirt — Aysun. KWabNLs When there’s dirt beneath the dirt — Aysun. SeQ9PXk

There's a smell of good years burning
And it won't fade away


When there’s dirt beneath the dirt — Aysun. LMIZnSJ

Don't you know that happiness is a warm gun?

Datapad

   
Les excursions des Kingsmen en « territoire ennemi » sont toujours bien huilées, paraît-il. Ce jour-là encore, l’atterrissage se fait au petit matin, dans les nébulosités mourantes des deux lunes. L’équipage camoufle au mieux son petit convoi dans un vallon entre deux hautes dunes, et il est toujours étrange pour V. de figurer parmi les rouages de cette vaste machine, de faire partie de la chaîne et de répéter les mêmes gestes, dans une communauté d’intérêts, à défaut de vues, qu’il peine encore à accepter. Il s’octroie quelques minutes pour s’étirer, le corps élancé par un trop long voyage dans la solitude apaisante de son chasseur, se prépare à partager de nouveau le quotidien de personnes qu’il n’a pas choisies mais dont il apprend bon gré mal gré à s’accommoder. Il contemple silencieusement le visage buriné de Jakku marqué par d’ineffaçables sillons de poussière, le dos strié de ses dunes que le froid glacial de la nuit désertique a figées. Il déteste Jakku. Sans doute parce qu’il est difficile pour un soldat dans l’âme de reconnaître le charme des cimetières. Alors, adossé à l’un de leurs vaisseaux, il s’en détourne le temps d’avaler rapidement une ration, de vider sa gourde à moitié. Puis il tire juste une fois, longuement, sur le tabac grossièrement roulé qu’un de ses « compagnons » lui tend, en regardant l’horizon blanchir. Il ne fume quasiment jamais, et surtout pas dans l’habitacle de son chasseur, mais la nervosité est impérieuse par moments ; et Jakku, bon sang, Jakku lui fait immanquablement l’effet d’une cuite au Nectar Descente : elle lui laisse le même goût rance dans la bouche.

Il finit par vérifier et ajuster son équipement en vue de la brève traversée qui les attend : un blaster qu’il glisse dans son holster de cuisse, ainsi qu'un grappin, sa gourde et ses jumelles. De son pantalon en toile à l’ample foulard en coton noué sur son torse par-dessus les renforts en cuir qui lui servent de protection, jusqu’au chargement sous lequel son dos disparaît, V. se fond presque parfaitement dans le continuum ocre des dunes ; seuls ses rangers et ses bandanas, l’un lui couvrant une partie du visage, l’autre lui enserrant le crâne, tranchent avec l’océan clair qui menace de les engloutir. Il n’arbore aucun signe distinctif, si ce n’est une détermination posée dans sa démarche à l’épreuve du sable et de ses résistances. De toute évidence, il n’est là ni pour chercher les emmerdes, ni pour s’en laisser conter ; seulement pour terminer le boulot et repartir aussi sec. Il déteste Jakku.

Ici comme ailleurs, les colonies sont évidemment le théâtre de petites guerres de territoire et autres jeux expansionnistes. Les rares villages sont encore plus tristes à voir : des cahutes composées de pierres corrodées et de tôle, des abris de fortune façonnés de bric et de broc dans une nature aride qui n’a plus d’autres dons à offrir que les débris d’une guerre meurtrière. Ils s’arrêtent dans l’un de ces trous laissés-pour-compte, continuellement léchés par le sable. C’est un vieil Abednedo nommé Goma qui les accueille, disposé comme les fois précédentes à leur servir de contact et à prendre le relai pour la redistribution des ressources dérobées, sans chercher à savoir d’où elles peuvent bien provenir. Il aurait été imprudent pour eux de se présenter de foyer en foyer. V. se déleste sans tarder de son gros sac avant de tendre une main gantée à leur hôte, qui leur fait remarquer avec un soupçon de goguenardise dans la voix : « C’est moins que d’habitude. » Le pilote hausse les épaules tout en aidant ses compagnons à entreposer les vivres dans la cache de l’Abednedo – c’est de plus en plus souvent lui qui se charge du small talk, apparemment il a un don pour ça : « Les temps sont durs, Goma, bientôt va falloir vendre son cul pour espérer mettre la main sur du coaxium raffiné. » Il voit les extensions capillaires frétiller autour de la bouche qui se fait étrangement amicale : « Te méprends pas, fiston, j’dis pas ça pour être ingrat. C’est juste que vous avez d’la concurrence par ici et qu’ça a l’air parti pour durer. » V. ne comprend pas tout de suite : « Ce serait la meilleure, celle-là : nos cogneurs préférés qui arrêteraient tout à coup de se tartiner du beurre sur la tête pour se lancer dans les bonnes œuvres. » Il n’a pas le temps d’en rire : « J’parle pas des Stormbreakers. Celle qui vous fait passer pour des aumôniers sur le retour tient plus de la rosée de soleil que de la brute épaisse, si j’en crois ceux qui l’ont déjà rencontrée.
Parce que c’est pas ton cas ? V. s’est tout à fait redressé, intrigué pour de bon.
Pas encore. Elle a réussi à se faire relativement discrète depuis son arrivée sur Jakku et on raconte qu’elle est solidement gardée. J’ai peut-être une idée de qui c’est, cela dit. Paraît qu’elle le révèle seulement une fois sa bonne action terminée, et tu penses bien qu’elle en est pas à sa première colonie – mais si tu veux en savoir plus, va falloir aligner les crédits : les affaires sont les affaires, fiston.  
Une stratégie de vautour, ça… » objecte V. en souriant derrière son bandana, sans préciser s’il parle de ladite concurrente ou de l’Abednedo. Il pressent déjà qu’il y a quelque chose de moche là-dessous : ne pas préciser d’entrée de jeu à qui appartient la main tendue, c’est un peu comme empoisonner le cadeau. « J’préfère aller voir par moi-même. » L’un des pirates qui l’accompagnent le regarde de travers, et Goma semble suivre le cheminement de ses pensées : « Pas sûr que ça soit une bonne idée ; mais à ta guise. Vous prendrez bien un p’tit verre avant d’repartir, tes gars et toi ? » Ce serait en effet dommage de se laisser mettre à la porte si vite, signifient-ils en s’installant lourdement autour d’une table branlante. « Un p’tit conseil quand même, mon grand : laisse tomber le bagou de Tatooine avec la fille ; paraît qu’elle donnerait du vous même à une chaise. »


V. a un soufflement de nez moqueur en y repensant quelques heures plus tard. Au fond, Goma avait peut-être raison : se lancer sur la trace d’une sainte nitouche prétendument en pèlerinage n’a rien d’une riche idée. Identifier celle qui marche sur les plates-bandes des Kingsmen, qui eux-mêmes foulent celles des Stormbreakers ? Depuis quand fait-il du zèle, au juste ? L’influence est une ressource terriblement fragile au sein des bordures, mais il ne comprend pas vraiment pourquoi il s’est subitement senti concerné. Les autres seront bientôt sur le départ, dans deux jours tout au plus, et il ne voudrait pas que leurs invraisemblables principes les obligent à l’attendre.

Après un court trajet en swoop, il marche sans faiblir ni s’émouvoir des arcades et voûtes métalliques formées par les vaisseaux à moitié ensevelis sous le sable. Il espère suivre la bonne piste. C’est là, au creux de son ventre. Le Cimetière des Géants fait encore le bonheur des pillards et des ferrailleurs, mais par endroits, quelques menues offrandes sans valeur commémorent humblement une victoire douloureuse, lestée de trop nombreuses disparitions. Ce n’est rien d’autre qu’une face lardée de cicatrices qui sied cruellement bien aux Stormbreakers. Ne pas penser à Sebaj, se répète-t-il intérieurement. Ne pas se demander qui l’a fait sauter. Ne pas songer qu’il aurait aimé pouvoir l’enterrer, le retrouver là, quelque part sous le sable infini, plutôt que de l’avoir perdu à jamais, dispersé en une énième poussière d’étoiles dans la galaxie. Ne pas considérer qu’il foule un territoire ennemi, ne pas prendre goût à ce qui ressemble à un jeu du chat et de la souris, ne pas y trouver une puérile petite revanche malgré tout – comme si une chose aussi insignifiante pouvait un tant soit peu racheter sa perte. Tout ça n’a pas, n’a plus d’importance.

Une sourde appréhension lui mord les flancs, mais il l’ignore résolument. La bordure extérieure est suffisamment vaste, et il n’est dans l’immensité des dunes qu’un grain de sable de plus. On se fait discret, on ne s’attarde pas – pas trop. L’avantage de parler directement au ventre des miséreux, c’est qu’ils font plus volontiers semblant de vous avoir oubliés quand un autre les interroge ; c’est qu’ils se souviennent de vous quand vous revenez, souvent pour réclamer davantage, parfois pour aider. Il a eu la chance de se faire quelques contacts au cœur de ces terres désolées ; de quoi espérer repartir vivant à chaque fois – parfois même sans trop d’embûches.

Il reste vigilant cependant. À travers ses jumelles, il comprend bientôt ce que Goma voulait dire par « solidement gardée » ; mais la rosée de soleil a eu l’imprudence de s’éloigner pour s’abîmer dans une posture de recueillement. L’incrédulité lui tord un instant la bouche. Elle a tout de même gardé un droïde avec elle, évidemment, de ceux qui pourraient lui trouer le ventre ou lui crever les yeux sur un seul mot de sa part. C’est manifestement tout ce qui a permis à sa garde rapprochée de consentir à détourner le regard. Il s’approche avec prudence, taraudé par la tenace impression de se jeter dans la gueule du loup – mais ça, ce n’est pas nouveau. La silhouette menue ne se tient plus qu’à quelques pas, emmitouflée dans une cape qui la dissimule aux regards inquisiteurs, et dont les bords sont empoussiérés par les quelques pas qu’elle a dû être obligée de faire – il s’imagine narquoisement, et non sans mauvaise foi, qu’elle préfère en d’autres circonstances avoir recours à un porteur. Le tissu qui l’enveloppe est de riche facture, rend sa présence d’autant plus absurde dans ce désert froid qui reflète amèrement l’indigence de ses habitants, le vide de leur estomac.

Bien sûr, il a déjà sur le plexus solaire le faisceau rouge du droïde qui menace de le transpercer. V. lève complaisamment les mains en signe de paix, mais n’en a pas moins le vice d’hérisser sa voix de préjugés provocateurs : « C’est quand même un curieux endroit pour envisager l’achat d’une résidence secondaire, princesse. Les filles dans ton genre optent généralement pour Porus Vida ou Chandrila. » Il aurait dû se démasquer par courtoisie, toutefois il n’en fait rien. Il continue plutôt sur le même ton, sans abandonner son tutoiement intrusif : « J’ai peur que t’arrives un peu tard pour profiter des hangars de l’Inflictor – ses yeux feignent de s’intéresser au destroyer stellaire de l’empire galactique qui gît misérablement un peu plus loin, dépecé jour après jour par les pillards. De toute façon, ç’aurait sans doute été trop grand pour ta future salle de réception. La vue est toujours belle depuis le sommet de ses tourelles blindées, cela dit. » Il ne pousse pas la galanterie jusqu’à lui proposer de se casser les chevilles à essayer de grimper tout là-haut. Non, il incline seulement la tête comme pour mieux distinguer ce qui se cache dans l’ombre du capuchon relevé. « T'as l'air de t'être aventurée bien loin de chez toi, hm ? Laisse-moi deviner. » Oui, quel genre de détraquée pousserait l’indécence jusqu’à quitter ses salons tendus de soie pour faire œuvre de bienfaisance dans l’un des coins les plus sordides de Jakku ? « Kuat, peut-être ? » Il s’agace de ne percevoir qu’une bouche aussi bien dessinée qu’une fleur de plom, en l’innocence de laquelle il refuse de croire.

Aysun Sloane
Aysun Sloane
RELIQUATS
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Souffrir est absurde et laid. Toute souffrance est un désordre... Mieux vaut s'accommoder des choses, ou les briser que de pleurer à la lune. ― David-Neel

When there’s dirt beneath the dirt — Aysun. Tumblr_pk83iwu9mF1reli55o6_r1_400

Aysun parle en purple. Son droïde JN-451 en #cc6600.

Datapad

   
« Je lui aurais volontiers pardonné son orgueil s'il n'avait tant mortifié le mien. »  J. Austen



En pratique, les choses sont rarement aussi élégantes qu’en théorie. Jakku s’offre à première vue sans fards ni artifices. Les dunes y sont rondes de batailles enfouies, les falaises escarpées de blessures ouvertes. Les tentes de fortunes forment autant d’ilots épars à sa surface, comme une vérole inconnue sur une peau endommagée. Jakku a souffert durant des décennies, l’écorce brulée, les ressources amères. On y voit des fantômes les jours de grand vent, on y perçoit les désespoirs des solitudes silencieuses. Sur les murs à demi empêtrés dans les sables, les symboles peints de l’Empire, de l’Alliance, du Premier Ordre puis de la Nouvelle République, pâles échos d’une chevauchée horrifique, vestiges incandescents de temps désormais révolue.

(Ce n’est pas une planète. C’est un sablier.)

Elle comprend mieux maintenant : Jakku est surtout un serment. Celui que tout passe et que les grains de poussière effacent et avalent voracement tout ce qui est à leurs portées.

« Mademoiselle Sloane, nous allons atterrir. » Elle acquiesce, le vrombissement déjà perceptible sous ses pieds. « La température au sol est de 36 degrés celsius. Nombre d’habitants… » La brune a un petite sourire sage. Visiblement le droïde ne comprend pas l’absence d’informations fournie par sa base de données. « Ce n’est rien, Jan. Certaines choses se doivent de garder leurs mystères. » JN-451 s’ébroue sous ses cuivres et ses puces électroniques, peu enclin à apprécier ce qu’il juge visiblement comme un manque de discipline flagrant. « Nombre d’habitants : inconnu. Hum! Si je puis me permettre mademoiselle Sloane, ce genre de désagréments ne serait pas arrivé du temps de votre grand-mère. L’Empire savait toujours combien d’habitants possédaient une planète. Il y allait de la prospérité de chacun et… » Les contours métalliques des informations et de la tirade se perdent un instant sous l'apparition des vallées sous ses yeux. Aysun, pleine d'une curiosité surannée, se penche sur la vitre du cockpit, admire les différences arides qui s’étalent pleinement devant elle. Tout est si différent de Coruscant et des cités impériales qu’elle connait. « C’est merveilleux, ne trouvez vous pas ? On dirait un mimosa flottant dans la galaxie. » La brune écarte une mèche perdue sur sa joue pour la glisser derrière son oreille, cherchant un court instant l’approbation d’un membre quelconque de l’équipage. Il lui semble que le sable plus bas est un océan moelleux, qu’on peut s’y rouler sans peur.

Visiblement, ce n'est l'avis de personne d'autre.

Le mirage est de courte durée tandis qu’un des gardes, vêtu de blanc de pied en cape, vient la tirer de sa contemplation. Le Capitaine Al'ken au visage reptilien, la peau presque huileuse et grise le long du cou, la salue dans un mouvement militaire, les talons secs l'un contre l'autre. « Mademoiselle Sloane, nous allons d'abord passer par le pôle du chef de sécurité du système Jakku. Le laissez-passer est en règle, ce sera rapide. Souvent les vérifications sont... aléatoires et tout est crédits ici. Il y a nombre de pirates sur le pourtour de la planète. Il nous faut donc impérativement suivre le protocole. Reprenons l'essentiel pour votre sécurité, voulez-vous ? D’abord, vous ne devez sous aucun prétexte quitter le périmètre assigné par mes hommes. Ils s’occuperont du gros de la distribution des vivres entreposées par les vôtres dans le ventre du vaisseau. Ensuite et évidemment, nous avons fait en sorte d’assurer au maximum votre sécurité dés que vous mettrez un pied sur Jakku et que vous irez en rejoindre les habitants. Vous souvenez vous du signe ? » Aysun replie ses doigts vers sa poitrine et frappe discrètement une fois sa clavicule droite. L’officier semble satisfait. « Très bien. Alors nous sommes prêt. Un simple conseil, gardez votre capuche et remontez votre col. Le sable s'infiltre partout ici. » Le sourire se fait fondant et elle le lui rend, redevable. « Mademoiselle Sloane, bienvenue à Jakku. »

A l’ouverture des portes, la chaleur accable. Son droïde ne lui a pas menti, pas plus que le capitaine du vaisseau-transporteur : il vaut mieux se couvrir sur cette planète. Les soleils mordent et le sable entraîne. Les dunes défilent, montagnes ocres dans l’étendue galactique. Rien à des kilomètres à la ronde si ce n’est ces cahutes et ces tentes qui semblent montées à la va-vite, déjà prêtes à partir. Les couleurs semblent délavées sous l’intrusion solaire. Le vent est rêche contre sa peau douce, criblé de grains de sable. La terre est hostile ici et elle n’en conçoit que plus d’admiration pour ceux qui l’habitent. Elle voit dans les canyons des sourires sinistres tandis qu'elle resserre son épais manteau autour d'elle. Sa main raide rajuste le capuchon autour de son visage. Elle est prête.

L'équipe est efficace, les gestes calibrés, les distributions faciles. Tandis qu’elle tend les premières vivres et glissent ses premiers sourires timides, Aysun est prise de pitié.

Le cœur se serre à voir tant de misère et de fierté défiler sous ses yeux. Elle fait attention à chaque personnes qu’elle rencontre, note les vêtements élimés, les ceintures nouées plusieurs fois sur les tailles trop déliées. Les doigts sont sales, souvent encore un peu recouvert du gasoil des pièces trouvées dans l’antre ou les mines de la planète. Elle trouve aux habitants de Jakku une beauté insoupçonnable parce que précisément insoupçonnée. Ici, le gris se fige sous le sable, l'or rencontre l'argent : celui des carcasses des vaisseaux des batailles perdues, celui de la soif qui assèche et martyrise. Les yeux sont un peu concaves sous les multiples lunettes que portent chacun pour se protéger des rayons assassins.

Elle-même sent ses forces s’amenuiser sous les efforts. Elle a rapidement soif et peut goûter le sel à même ses lèvres. Il a parfum de désert et d’incendie. A plusieurs reprises, tandis que les pains protéinés sont distribués, on l’accoste. « C’est sur ‘mdame c’est une drôle de pl’nète, hein ? Moi j’suis né ici mais un jour j’irai à C’ruscant, ouais. C’vrai que v’s za’vez des r’binets et quand v’s les o’vrez y’a de l’eau qui sort ? » La douleur se cristallise autour de sa gorge jusqu’à verser des gémissements tacites d’argent sur son cœur. Elle a un mouvement aérien du visage. « Mmm, nous sommes si gâtés, n’est-ce pas ? » Le regard se pare de douceur. « Je suis émerveillée par votre courage. Il faudra me montrer ensuite, comment vous faites pour rester si mignon ? Le vénérable citoyen là-bas m'a parlé de faire comme les souris des sables. mais je ne sais ce que cela veut dire.» Un point d'interrogation sur le museau et l'enfant s'esclaffe tout joyeux. L'autre question reste en suspens pourtant, trop lourde, trop pesante pour ce moment : comment font-ils tous pour l'eau ?

( Elle sait comment : des minerais anthracites contre de l’or bleu. C'est pour ça qu'il y autant de pirates dans la région. Evidemment.)  

Elle se fait ignorante tout de même, laisse les voix disparates lui expliquer les différences. Jakku est une terre d’asile autant qu’un cimetière. On lui montre et, patiente, son droïde couleur cuivre toujours derrière elle, elle écoute et apprend. Elle découvre ce que l'expression faire comme les souris  veut dire et qu'il suffit donc de se rouler dans les dunes, possiblement tout nu, afin de prendre sa douche avec du sable et non pas avec de l’eau – trop précieuse. Elle en rit pour de bon quand on tente de lui montrer ce que cela fait et prête ses mains volontiers à l’expérience. « Ce n’est pas si mal. » s’amuse-t-elle à dire à JN-451.

Les gardes ne sont jamais loin, éclipses armées à ses côtés.

L’entreprise est un succès. On lui offre même une tunique, le tissu épais d’un bleu myrtille on ne peut plus simple qu’elle s’empresse d’enfiler dès qu’elle le peut. A Coruscant, on ne pourrait utiliser un tel vêtement, pas même en serpillère mais elle devine en quelques mots traduits que la plante dont vient la couleur ne pousse qu’ici. Ils importent en masse tant de chose qu’elle comprend l’importance du geste - celui de donner un objet appartenant à la planète même. Elle en est émue malgré elle. C’est si peu de choses ce qu’elle leur a apportés finalement en comparaison. Si peu. Elle se dit qu'elle aurait dû mieux réfléchir, apporter plus d’eau et de barres protéinées.

La prochaine fois se promet elle.

Avant de quitter les lieux, Aysun émet le désir d’une dernière visite.

« Vous n’y pensez pas mademoiselle. » Mais Aysun, si douce soit-elle, plie rarement. Le chef de sécurité refuse encore une dernière fois. « Mademoiselle Aysun, vous avez vu vous-même Jakku. Quelqu’un d’armé ou qui sait se battre, oui … Je ne veux pas vous effrayer, mais il nous manque de l’eau, vous venez de le voir et, vous savez qui en est composé à 70% ? Vous. » Elle réprime un frisson, sa longue tresse sage sur son épaule. Cela ne change rien. « Je suis décidée, Capitaine. S’il vous plait. Il ne m’arrivera rien. »

Il cède et c’est ainsi qu’elle se retrouve enfin devant les décombres de ce qui a été l’une des plus grandes et décisives batailles de l'univers. L’ombre gigantesque des vaisseaux abandonnées donne une allure surréaliste au panorama et elle ne sait pas si elle doit s’agenouiller ou rester ébahie. Le souffle lui manque un peu mais elle parvient à demander à ce qu’on la laisse quelques minutes seule. Certaines émotions ne sont pas faite pour être partagées explique-t-elle, un peu d’humidité dans le regard. Et elle sait qu’on lui accordera cette faveur parce qu’ils sont tous militaires et que devant leur premiers refus inquiet, elle leur rappelle qu’aucune âmes s’étant battu en pensant à la protection des galaxies ne mérite d’errer en ces déserts sans l’assurance d’un merci et d’une prière. « Quelques instants pas plus. Jan est avec moi. » JN-451 fait pouffer ses conducteurs et ses poulies. « Je suis équipé d’un système interne de fusil-mitraillette de type B-410 que le grand ingénieur impérial Périclite lui-même a - » Le droïde n’a pas le temps de terminer, le capitaine le coupe. « Très bien, très bien. Inutile de nous sortir le bon de garantie, soldat. Ne vous éloignez pas trop et prenez ce fumigène, mademoiselle. Au moindre danger, si vous pensez voir des vers des sables ou un attroupement de teedos, vous appuyez ici et lancez en l’air. Nous viendrons immédiatement. » Elle s’empresse d’acquiescer et cache sous son manteau l’objet longiligne. « Il est très efficace, tu ne trouves pas Jan ? » Le droïde peu enclin à faire dans des compliments qui sont tout à fait sanguins selon lui, répond sobrement. « C’est bien normal, au prix où vous le payez. » Aysun évite un petit rongeur des sables curieux du brouhaha incongru puis sourit. « Tu serais surpris de savoir que beaucoup de militaires ont encore dans leurs cœurs la marque écarlate de leurs premiers serments. »

Plus loin, dans l’antre du cimetière, Aysun ferme les yeux et laisse le vent caresser ses vêtements, la cape vibrante sous les envolées sableuses. Elle s’imprègne des lieux, la mélancolie irisée. Le silence est entier, le désert un tombeau d’or. Elle pense à tout ceux qui ont défendus leurs convictions jusqu’à tomber si loin, si profond – au milieu de nulle part. On ne sait jamais vraiment qui sont les fantômes alors : ceux qui ne sont plus ou ceux qui restent et qui se souviennent. « Ô grand-mère… toi tu saurais quoi dire maintenant. » Elle fait quelque pas puis s’arrête tandis que son robot est déjà en position défensive. Ou offensive si l’on en croit le canon qui déjà apparait en plein poitrail et qui pointe son faisceau grenat vers la silhouette déliée d’un homme. « Oh… » Depuis quand son droïde a-t-il ceci ? On le lui avait offert si jeune qu’elle n’avait jamais pensé à regarder s’il était réellement capable de ce qu’il avançait parfois crânement. « C’est quand même un curieux endroit pour envisager l’achat d’une résidence secondaire, princesse. Les filles dans ton genre optent généralement pour Porus Vida ou Chandrila. » Elle cille sans vraiment comprendre, le cœur en tambour à ses oreilles. La panique l'étreint un temps. Elle se fige. On ne lui parle que bien rarement de cette façon pour ainsi dire, voir même jamais. Le tutoiement la méduse, le Princesse l’interpelle. Après la surprise, vient l'embarras. L'effroi lui fait baisser les yeux, intimidée par l’intrusion inopportune, puis elle se souvient du grenat dirigé vers l’étranger et de ce qu’il signifie.

Elle ne peut pas vraiment laisser Jan se faire meurtrier.

Le jeune homme continue, le flot ininterrompu sous le bandana, la voix ondoyante et chaude, les paroles presque rafraichissantes dans la tranquillité du désert. Soudain, elle a un hoquet de surprise. « L’Inflictor ! Oh j’avais oublié le nom ! C’est ça, Inflictor… » Aysun lève une main légère vers le bras de son droïde, le geste presque trop humain sur la machine. « Jan, je ne crains rien pour l’instant. S’il te plait. » On ne peut pas craindre quelqu’un qui se souvient du nom d’un si grand vaisseau, c’est ce qu’elle se dit, l’âme confiante, l’aura ivoire. JN-451 n’a pas l’air de l’entendre de cette oreille mais plie face à l’injonction enroulée de politesse.

Elle reporte son attention vers le brun mais perçoit ce faisant son mouvement de curiosité à son égard. Elle se retranche un peu plus dans l’ombre de son capuchon en réaction immédiate. « Vous êtes de Jakku ? » se hasarde-t-elle avant de sourire, un peu vexée. Les Sloane ont bien une demeure à Kuat. Il faut croire que certaines choses sont visibles malgré les précautions.

Elle se reprend, de l'indulgence plein le regard. « Je trouve Jakku endurante et merveilleuse dans son obstination. » Les doigts tricotent sous la cape. Elle sent le poids de la fusée donnée un peu plus tôt par le capitaine dans sa poche intérieure. « Princesse... non voyons. Je ne suis pas... et puis, je ne crois pas que nous ayons été correctement introduits… » Elle fronce les sourcils, l’empreinte impériale sur ses lèvres. L’ordre est aussi dans le langage.

L’Ordre est tout.

Elle change de sujet, incertaine. « Vous parliez des tourelles ? » Elle lève son visage vers les cimes. Le mastodonte d’acier garde sa ligne argentée sur l’horizon. « Monter jusque là-haut me semble impossible mais je suppose qu’il n’y a pas de victoires sans sacrifices. »

Ces mots résonnent ici plus encore qu’ailleurs, le vent les charriant sur la douceur aride des sables ondulants.

Dans cette vallée éclatante, les sacrifices s'étalent broyés par le temps et les hommes - funestes - à perte de vue.


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Il perçoit les infimes variations dans sa posture, un figement à peine perceptible qui traduit à la fois une sourde inquiétude et le refus paradoxal de le traiter ouvertement en intrus. Sa crainte ne le flatte pas, sa retenue l’apaise encore moins ; elles lui donnent au contraire envie de s’imposer davantage, d’enrayer ce mécanisme bien huilé des convenances à la façon d’un grain de sable. Le premier éclat de voix qu’elle laisse échapper n’est pas exactement celui qu’il attendait. Il y entend la pureté d’une candeur presque indécente dans les interstices du squelette métallique qui avale leur conversation, et en même temps l’inattention de celle qui ne quitte jamais vraiment son monde, qui ne considère que ce qui lui plaît ou l’intéresse et envisage ce qui l’entoure à travers le prisme d’une attention sélective, faussement distraite. En d’autres termes, elle a superbement ignoré sa question, et il essaie, sans grand succès, de ne pas en concevoir une trop grande contrariété. Il comprend qu’il est plus sur la défensive qu’il ne le pensait, mais ne sait toujours pas pourquoi. C’est agaçant. Elle est agaçante.

Il a un plissement d’yeux incrédule lorsqu’elle tempère l’hostilité de son droïde d’un geste de la main – ce faisant la manche ample qui lui recouvre le bras glisse un peu et laisse deviner une peau trop douce pour le sel du désert, guère éprouvée par les travaux manuels, l’âpreté du sang ou le maniement d’un quelconque outil, d’une quelconque arme. Elle n’a décidément rien à faire ici. Son sourire se fait un peu cruel sous le bandana. Jan ? Et s’il te plaît avec ça. « Tu devrais pas l’écouter, Jan, rétorque-t-il dans un susurrement narquois. Ta maîtresse se montre bien trop confiante dans un endroit si dangereux ; mais t’inquiète pas, va, j’te préviendrai si j’ai l’intention d’lui faire du mal. » En attendant, il ne baisse toujours pas les mains – indécrottablement rattrapé par sa bonne foi.

Du reste, contrairement au droïde, il n’a pas le droit au tutoiement. Il ne se démonte pas pour autant. Elle reste obstinément dans l’ombre de son capuchon, se cache délibérément de lui, tout en ayant l’insolence d’ignorer ses questions, de ne pas satisfaire sa curiosité… Il inspire longuement. S’il entend le sourire qui module sa voix, il n’a pas encore la satisfaction de deviner sa vexation. Elle prétend en apprendre davantage sur lui pour mieux se dissimuler, ce qui la rend définitivement suspecte à ses yeux. Il lui signifie d’un regard éloquent qu’il n’a pas l’intention de se montrer plus coopératif qu’elle. Et puis, il n’aime pas ce qu’elle dit de Jakku. Ce sont les paroles d’une personne trop insouciante, ignorant manifestement tout de l’indigence et des chienneries d’un quotidien qui relève de la survie. Aussi se fait-il peut-être plus amer et abrupt qu’il ne l’aurait voulu d'abord : « Ça doit effectivement être un spectacle édifiant pour quelqu’un qu’on a de toute évidence biberonné au lait bleu et à la bien-pensance. » Elle affirme ne pas être une princesse mais n’en a pas moins de ces tournures impérieuses enrobées de miel. Il s’adoucit presque lorsqu’elle lui reproche de ne pas s’être présenté en bonne et due forme. « À qui la faute, princesse ? » Il insiste. « T’es du genre secrète, et moi du genre têtu. Si ta façon de t’introduire correctement c’est d’ignorer mes questions, on risque d’avoir un problème. Elle fait ça avec toi aussi, Jan ? » La malice tapisse sa voix comme une rocaille tandis qu’il feint de faire les cent pas dans le sable, comptant pensivement sur ses doigts : « Tout c’que j’sais d’toi pour l’instant, c’est qu’t’as rien à faire ici et qu’t’as pas été très attentive pendant tes cours d’Histoire ; que ton droïde a un prénom un peu naze et que tu l’prends manifestement pour plus qu’un vulgaire tas d’ferraille. »

Il s’immobilise sitôt qu’elle lève le visage vers les tourelles, comme pour mieux distinguer la soie d’une peau jamais asséchée par la poussière des dunes. Son ventre se creuse inexplicablement quand, toute chétive qu’elle soit, elle semble presque disposée à entamer la périlleuse ascension de l’Inflictor. Il secoue négativement la tête pour se défendre – de quoi ? il ne veut pas vraiment le savoir : « Tu crois pas si bien dire – surtout dans un cimetière. » Il doute d’ailleurs que les morts goûtent l’ironie de ses paroles. Il s’imagine que si l’un d’eux avait pu faire surgir sa main squelettique du sable pour l’y engloutir et la faire taire éternellement, il aurait saisi l'occasion avec plaisir. « Mais compte pas sur moi pour t’emmener au septième ciel, princesse : quelque chose me dit qu’t’es pas très fréquentable, en vrai. » Il ose faire un pas vers elle. Demandera-t-elle à Jan de le tenir en respect ? Il esquisse un deuxième pas sans trembler. « Pourquoi t’es là ? » demande-t-il de but en blanc. « T’as l’air mignonne, hein, mais j’espère que t’as pas la prétention d’croire que ta présence peut apaiser l’âme des morts ou qu’tes trois sacs de vivres vont durablement remplir l’estomac des vivants. » Son regard se durcit un peu tandis qu’il la dévisage sans ciller : « Tu pourrais commencer par enlever ta capuche, si t’es vraiment là pour te recueillir. » Il se rappelle la façon dont elle s’est adressée à son droïde, sent un amusement plein de muflerie atteindre ses yeux. Il aurait pu contrefaire son s’il te plaît mais ne se donne finalement pas cette peine. Il ajoute seulement, la voix lourde d’un défi impertinent : « On fait ces choses-là tête nue quand on est poli. »


Aysun Sloane
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Souffrir est absurde et laid. Toute souffrance est un désordre... Mieux vaut s'accommoder des choses, ou les briser que de pleurer à la lune. ― David-Neel

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Aysun parle en purple. Son droïde JN-451 en #cc6600.

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Est-elle trop confiante comme il semble le suggérer ? Elle cille, indécise. C'est étrange de dire ça à son droïde et c'est peut-être le signe d'une trahison imminente, d'un crime en devenir. Il ne serait pas le premier à vouloir obtenir une rançon après un kidnapping disgracieux et on l'a tant de fois mise en garde contre ces pirates et autres bandits qui sillonnent les galaxies qu'elle se dit que c'est tout à fait possible après tout. Pour autant, l'idée ne l'enchante pas vraiment. Elle n’aime pas être méfiante et trouve une grâce certaine à se laisser bercer – même par des illusions. « Mais, c'est stupide voyons: vous ne voulez pas me faire de mal. » Elle y met conviction et indulgence, lève légèrement son visage en prononçant ces mots - pour un peu, on croirait ces gens qui utilisent la Force et qui malaxent les volontés ordinaires. Bien sûr, il n'en est rien. L'inquiétude se diffuse à la manière d'un parfum entêtant et place ses sens en alerte. Elle caresse du bout des doigts le fumigène caché dans sa poche intérieure. Il suffirait de peu et pourtant, elle s'y refuse. Ce serait un aveu de faiblesse et il faut bien affronter ce monde extérieur dorénavant. Ils sont loin les murs nacrés de sa résidence aux accents impériales, loin le prestige incandescent que son nom érige quand elle se présente.

Il faut devenir et non plus simplement être.

L'instinct est fragile, il s'accroche aux branches cassées et celui d'Aysun flanche sous le capuchon protecteur. Ce n'est rien Aysun, Jan est là, les hommes sont à portée de fumigène et il a la voix trop chaude pour être cruel. Elle fait attention aux détails, se concentre sur ce qu'elle pense être important: il a le ton badin mais léthale, le corps suintant la souplesse des intrépides. Sa voix a les contours du sable qui recouvre Jakku et ondule autour d'elle à la manière d'un bain agréable après une journée épuisante. Il y a le reste également : elle perçoit un peu d'insulte dans le titre dont il l'affuble et une ironie mordante sous ses traits d'esprits.

Elle a la peau trop tendre pour ce type de morsures.

« Jan, ne répond pas je te prie. C'est... c'est de la provocation ! » Le reproche est là, tangible, tremblant d'on ne sait trop quoi. Elle fronce les sourcils, décontenancée, de l'incompréhension sur son front. Elle n'a pas l'habitude d'attaques aussi sournoises et aimerait récuser chacune de ces horribles allégations que l'inconnu lui lance à la figure. « C'est insupportable, mademoiselle. Laissez moi chercher vos hommes immédiatement. A moins que vous ne m'autorisiez à le court-circuiter ? » Elle n'entend pas agir ainsi, se contente d'un non mécanique. Elle est toute à ses injonctions intérieures:  pourquoi n'aurait-elle pas le droit d'être ici? Qui l'autorise donc à lui parler aussi familièrement ? Et lui-même ne se montre-t-il pas le visage couvert ? Le sable s'infiltre partout, c'est normal de ne pas se mettre à nue, de ne pas retirer ce tissu censé protéger, il doit le savoir lui aussi, non ? Alors pourquoi insister et pourquoi ces demandes ? Cette désinvolture infernale ? Il s’est approché dans une nonchalance terrible mais c'était uniquement pour mieux l’offusquer. Comment ose-t-il lui dire, à elle, qu' elle est impolie ? Elle, dont toute interaction est régie par un contrat social simple où la politesse est socle et cime.

L'accusation lui coupe le souffle. Elle ouvre la bouche, ronde de reproches muets. Elle a bien vu le jugement effroyable passer dans ses beaux yeux noirs.

Un curieux sentiment l'ébouillante de l'intérieur, quelque chose d’aigre et inconfortable. La poitrine se soulève et la voilà encore plus fâchée. Quelle terrible ironie ! C'est lui qui ne manque pas d'air et c'est elle qui le cherche. Une envie piquante de le faire taire lui picore subitement les doigts. L'envie de lever sa main et de venir la poser fermement sur le bandana afin que plus aucun son n'en filtre lui traverse l'esprit. Elle en est horrifiée, lève sa main en effet mais pour la mettre devant sa propre bouche tandis que le hoquet d'effroi scintille au bord de ses lèvres. Le cœur s'emballe, le pouls lui grignote sa vision. Elle le voit trouble un court moment avant de ne plus rien voir du tout.

La voilà en colère.

C'est si rare qu'elle se retrouve démunie devant une telle émotion. L'effervescence rogue la prend au dépourvu. Le trouble est immense, les joues colorées d'une ire à peine contenue. L'idée qu'on puisse le voir l'horrifie encore plus. « C'est tout à fait ridicule ! » Le pépiement est fébrile et elle s’oblige à inspirer lentement, de la désapprobation plein la frimousse. Pour lui. Pour elle surtout.  « Vous êtes... impossible et je ne prétends rien. » Les doigts se recroquevillent. Elle ne veut pas lui donner raison mais l'idée d'une quelconque impolitesse lui est insoutenable aussi, dans une lenteur frémissante, elle abaisse sa capuche.
L'armure est dans le maintien : droite, le port de tête inébranlable. Aysun tâche au mieux d'effacer l'humeur hérissée qui la nappe à la manière d'un caramel particulièrement collant. « Je ne suis pas secrète, monsieur. C'est simplement qu' il y a du sable et on m'a dit qu'il valait mieux s'en protéger. » Elle est d'un naturel réservée aussi mais il n'a pas besoin de le savoir. Pour le reste, il n'a peut-être pas fait attention après tout. Elle fronce un peu les sourcils, encore irritée malgré l’amabilité vexée qu'elle emploie. « Vous voyez, je ne vous demande pas de quitter votre bandana, je n'ai aucune envie que vous avaliez de la poussière. » Menteuse. Aysun s'en veut de sa pensée peu charitable et baisse un instant les yeux. Ce n'est pas la faute de cet homme s'il ne sait pas se tenir et d'ailleurs, elle lui a trouvé beaucoup de malice durant leur échange. Ceci explique cela.

En réponse, elle érige une douceur d'ivoire. « Voici Jan, dont le prénom et la présence ont toujours été apprécié à leur juste valeur. Je suis moi-même Aysun mais j'ai bien peur que vous ne trouviez mon prénom un peu... naze aussi. » La moue  s'accentue et elle esquisse un froussement gêné. Avoir tenu de tels propos n'est guère civil et elle espère qu'il en aura honte. « Evidemment, je m'en voudrais de vous rendre infréquentable par association et vous libère donc de ma présence. » Elle le congédie aussi aimablement qu'elle le peut sur le moment puis hésite avant d'ajouter un « Passez une excellente journée. » soyeux qu'elle accompagne d'un bref sourire timide cette fois-ci.

Elle se sent sotte quelque part et ce malgré elle. La colère laisse toujours un goût amer et elle n'apprécie en aucun cas la sensation. Et maintenant ? Retourner vers l'équipage ? Il va la penser effrayée et elle ne veut pas lui faire cet affront.

Elle lève son visage vers l'immense carcasse silencieuse qui les toise. L'émerveillement est un baume apaisant. L'antique vaisseau n'a plus que le fer et le sable sur lui mais il garde la grandeur de l'Empire. Voilà qui est décidé, elle ira chercher ce septième ciel dont il parle à même les vestiges impériaux.

Prudente, elle esquisse un léger signe de tête vers l'inconnu puis passe devant, cherchant du regard la meilleure manière de débuter son ascension. « Jan, reste ici. » Le droide clignote, signe certain d'une panique binaire. « Vous êtes sûr ? La probabilité pour que... » Aysun le coupe. « Ça ira, ne t'en fais pas. Merci. » Elle prononce ce merci comme le point final d'une douce victoire : celle de la justice bafouée sur cette calomnie insensée qu'on a osé lui servir il y a quelques minutes encore.

Elle est toujours polie, d'abord.


Valraym Meakil
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Oh we don't own our heavens now
We only own our hell


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There's a smell of good years burning
And it won't fade away


When there’s dirt beneath the dirt — Aysun. LMIZnSJ

Don't you know that happiness is a warm gun?

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Pour exorciser le mal qu’il pourrait lui faire, elle joue la carte de la persuasion et de la mansuétude – cela avec une hardiesse d’autant plus offensante pour lui qu’elle a tout à fait raison. L’ironie, autrement dit la propension de l’univers à l’emmerder lui, lui tout particulièrement, veut qu’elle ait eu la chance d’être tombée sur le bon gars, cet imbécile lesté de valeurs chevaleresques et qui répugne aux coups bas. Il se garde bien de la rassurer à cet égard, évidemment : elle peut après tout trembler encore un peu, quand bien même il risque de se le reprocher plus tard, en bon crétin trop vertueux. Il ne devrait pas la rudoyer ainsi, se donner l’air de la prendre pour autre chose que ce qu’elle est : une petite fille perdue dans le désert, engloutie à la fois par les dunes et son cœur de toute évidence trop grand ; il ne devrait pas faire semblant de croire à sa comédie de grande personne en lui donnant plus d’importance qu’elle n’en a en réalité, mais plutôt se détourner pour la laisser à ses jeux d’enfant. Pourtant, il est toujours là tandis qu’elle s’agite, perdant un peu de sa superbe indulgence. De la provocation ? Lui ? Il manque de rire, dangereusement chatouillé par son embarras que redouble l’indignation de Jan. Il n’oublie pas, néanmoins, que les renforts ne se trouvent pas si loin, des femmes et des hommes armés, prêts à le tirer comme du gibier. Sur leurs tenues, nul signe distinctif ; or ils ne sont pas nombreux, aujourd’hui, à vouloir échapper aux étiquettes et à se soustraire à la reconnaissance d’autrui tout en continuant de former des cohortes : ceux-là, on les appelle tantôt pirates, tantôt reliquats du Premier Ordre, et ni les uns ni les autres n’auraient refusé de recourir à leurs défenses aussi obstinément qu’elle ne le fait à cet instant.

Il devient de plus en plus difficile pour lui de dissimuler sa déstabilisation, et quoiqu’il ait conscience d’avoir peut-être dépassé les bornes, c’est précisément ce qui menace d’attiser le feu de son arrogance. Quand sa bouche trop innocente s’arrondit d’exaspération, il s’en amuse une fois encore au lieu de s’amender, parce qu’elle semble en proie à l’une de ces colères aussi irrépressibles qu’incongrues, de celles qui donnent à leur inspirateur l’impression d’avoir gagné quelque chose, et par là même l’envie de cultiver l’embêtement. C’est dangereux. Il se tait tout à coup, arrête de respirer, comme pour mieux entendre la révolution qui se fait subrepticement sous la peau, comme pour mieux percevoir le tremblement des lèvres, le soulèvement de la poitrine. La main dont elle recouvre sa bouche n’y change pas grand-chose. Il est à deux doigts de l’exhorter à ne pas retenir ce qu’elle voudrait exprimer lorsqu’un pépiement courroucé lui échappe enfin. Ah ! s’il avait eu vingt ans de moins, il se serait assurément oublié à l’imiter ; mais il parvient à rester digne, à ne lui adresser qu’un sourire gouailleur du bout des yeux, pris dans l’étau d’une inavouable fierté qu’il peine à comprendre. C’est trop bête, vraiment, et elle n’a que trop raison de le tancer à ce sujet. Hélas, il ne pousse pas le repentir jusqu’à suspendre son geste quand elle daigne enfin céder à sa curiosité.

Il aurait dû. À cet instant, il ne mesure pas encore tout ce qu’il aurait pu sacrifier pour qu’elle n’ait pas cette capitulation au bout des doigts, pour qu’elle ne dénude jamais sa tête et lui permette, dans sa grande clémence, de tourner sagement les talons. À cet instant, l’univers décide qu’il faut faire un malheureux de plus. V. ne pressent le désastre qu’instinctivement pour l’heure. Sans même s’en rendre compte, il ne sourit plus du tout. Il ne se dit pas qu’elle a tragiquement tout d’une princesse, et lui tout d’un imbécile. Il ne se dit pas qu’il se sent accablé par sa joliesse infernale comme le voyageur par l’implacabilité de la soif et du soleil. Il ne se dit pas qu’il doit absolument retenir les commentaires déplacés qui affleurent ses lèvres heureusement restées muettes, épinglées comme des ailes de papillon par les deux versants de l’abîme que sont la terreur et la beauté. Pendant quelques secondes, il parle un tout autre langage qu’il ne comprend pas lui-même, inspiré par un désert vieux de mille siècles qui supplée généreusement à ses insuffisances d’homme. Avec une maladresse d’enfant, il essaie de ramener ce qu’il voit à du connu, pour s’en défendre, vainement, et rester ferme sur ses jambes. Quelque part, l’équilibre cosmique s’ébranle et se moque de lui. C’est comme une bulle de sang qui éclate dans son cœur, dans son ventre ou dans son fute, il ne sait plus vraiment. Il regrette que le sol ne se dérobe pas sous ses pieds. Tout cela, bien sûr, il n’en a pas une nette conscience. Il ne s’entend pas lui parler du plus profond d’une sphère qui n’existe pas encore pour eux, d’un royaume qu’ils commencent tout juste de bâtir à deux. Il ne s’entend pas lui dire, là, dans le secret de ses yeux faussement durs, qu’elle resplendit comme un astre qui brunit paisiblement dans le ciel couchant, qu’il lui trouve la beauté émouvante des frondaisons mordorées d’automne et que l’entrelacement lustré de sa tresse lui rappelle la moirure changeante d’une feuille micacée ou d’une chute d’eau en plein désert. Elle est calamiteusement belle. Et il a encore la stupidité de croire qu’il peut lutter contre elle.

Il oublie de respirer jusqu’à ce que le coin de ses yeux blanchisse, qu’un sursaut dans ses entrailles ne le rappelle à l’ordre. Sans un mot, il s’efforce de dissiper le vertige et le charme qu’elle distille en détournant les yeux. Il se sent atrocement bête, tout à coup. Et pourquoi ? Il y a longtemps qu’il aurait dû se morigéner de son attitude. Du reste, il serait encore plus idiot de se laisser endormir par une figure trop avenante. Il fait donc ce qu’il sait faire de mieux, en ces temps d’égarement moral : il joue aux durs. « Remets vite ta capuche, princesse, lui ordonne-t-il avec effronterie comme s’il n’avait jamais insisté pour qu’elle se découvre, les reflets d’ta tresse risquent d’attirer les teedos. » Cache donc cette insoutenable frimousse que je ne saurais voir, aurait-il tout aussi bien pu dire. Il ajoute sur le même ton : « Quelle idée, vraiment, d’écouter les crétins dans mon genre. Hein, Jan ? » Oh, il devine aisément, à la manière dont elle fronce les sourcils, qu’elle lutte pour garder une bonne composition en dépit de la contrariété qui lui fait bouillir le ventre, et il trouve ça insupportable. Il a une moue sous le bandana qu’elle espère voir disparaître par prétérition – oui, il a bien compris – et répond un simple « Trop aimable. » sans avoir la politesse de lui complaire ni de lui révéler que la regarder équivaut un peu à avaler la poussière, en fin de compte – c’est qu’il ne le sait pas encore, l’imbécile. Elle baisse les yeux sans qu’il ne sache pourquoi, et des siens, il effleure l’arrondi de ses paupières avec une indicible incompréhension, dans un état proche de l’abêtissement. N’aurait-il pas été plus simple qu’elle ait une face de pishne ? Bon sang.

Il aurait aimé pouvoir abonder dans son sens avec conviction, affirmer sans bousculer l’alignement des planètes qu’en effet, Aysun, c’est un peu naze comme prénom, pas du tout aussi ravissant qu’elle, mais il semble avoir épuisé ses réserves de mauvaise foi. Non, il s’amuse plutôt du décalage hilarant que crée l’emprunt de vocabulaire, avant de capituler face à la moue qu’elle arbore à son tour. Il détourne de nouveau le regard. A-t-il honte ? Peut-être. C’est diffus, insaisissable comme une douleur fantôme. « Enchanté. » maugrée-t-il dans une comédie de courtoisie, avant de se retrancher derrière sa raillerie habituelle : « J’ai l’impression d’avoir quelque chose à m’faire pardonner, là, non ? » Et il finit par ajouter avec culot, l’air de lui faire une fleur : « Pour la peine, appelle-moi comme tu voudras, princesse. » C’est trop facile, il le sait bien, mais il n’a pas l’intention de lui mâcher le travail ; pas tant qu’elle dissimulera les raisons de sa présence sur Jakku. D’ailleurs, elle non plus ne semble pas disposée à lui faciliter l’existence, et il s’offusque presque de l’entendre le congédier comme un vulgaire laquais. Il ne bouge pas, toujours dévoré par la curiosité ; et puis, il va falloir réapprendre à marcher, maintenant qu’il a dû encaisser la timidité de son sourire comme un poing dans le ventre. C’est ridicule, vraiment.

Le naturel chevaleresque ne tarde pas à revenir au galop, de toute façon, puisqu’il comprend sans doute avant elle l’idée farfelue qui mûrit dans son esprit. Ses paupières s’alourdissent d’incrédulité : « N’y pense même pas. » Mais elle lui passe tranquillement devant après lui avoir adressé un salut de la tête, en commettant de surcroît l’erreur de laisser son droïde sur la touche. Il lève les yeux au ciel et pousse un profond soupir : « Va falloir apprendre à t’imposer un peu plus, Jan ; tu peux pas laisser croire à ta maîtresse qu’elle est capable d’escalader l’Inflictor alors qu’elle a plutôt l’air du genre à s’fouler une cheville sur un grain d’sable. » Evidemment, elle n’en fait qu’à sa tête et décline l’aide proposée au moyen d’un « Merci. » péremptoire et outragé dont il reconnaît un peu trop bien les nuances. Pendant quelques secondes, il se contente de la regarder s’éloigner avec une détermination qu’il ne veut surtout pas trouver attendrissante. Après tout, pourquoi s’en mêlerait-il ? Mais voilà, la ligne jusque-là désinvolte de sa bouche se transforme en un pincement de lèvres contrarié. Il finit par jurer dans sa barbe avant de la rattraper en quelques enjambées : « Si tu fais ça pour m’impressionner, c’est pas la peine, princesse. » Il feint de tout ramener à lui pour l’agacer davantage, espérant peut-être, au fond, qu’elle renonce à son projet absurde. Il s’abstient de la retenir par le poignet, cependant, car il sait que le geste de trop pourrait être interprété comme une menace par son droïde. Pitié, qu’elle remette sa bon sang de capuche. « Reste pas planté là, Jan, secoue-toi les boulons ! s’écrie-t-il d’ailleurs, avant de reprendre à l’attention d’Aysun. Tu sais qu’il risque de s’faire dépiauter par un steelpecker si tu l’laisses moisir dans l’sable comme ça ? Et qu’on peut nous-mêmes s’faire dépecer vivants si y en a un qui considère qu’on a envahi son territoire ? Soit dit sans vouloir te faire flipper, hein. » Il ne précise pas que leurs coups de bec et de serres ont fragilisé l’épave qu’elle prétend escalader. Chaque chose en son temps. Il demande plutôt, non sans malice : « J’dois ramener ta dépouille à qui, au cas où ? »

Aysun Sloane
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Souffrir est absurde et laid. Toute souffrance est un désordre... Mieux vaut s'accommoder des choses, ou les briser que de pleurer à la lune. ― David-Neel

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Il y a toujours des échappatoires, même sous ces implacables condamnations à mort ordonnées par les étoiles. Ne sont-ils pas tous tissés de l’étoffe dont sont faits les rêves ? Ne peuvent-ils pas tous se soustraire aux fatalités ? Quand il vient à sa suite, un pli soucieux sur son front, elle sent toute la vaillante virtuosité dont il se défend et elle a un sourire attendri malgré elle. Au moins est-elle certaine d’une chose à présent : il n’est pas un simple pirate.

Le désert égalise et révèle toujours que ce soient les visages ou les caractères.

(Par ce simple geste, cette enjambée soucieuse et ces quelques mots sertis d'altruisme enrubanné d'ironie, elle a trouvé ce qu’il était, les lettres d’or écrites en sable sur son front.

Elle les voit si bien maintenant.)

Il lui a dit : « Remets vite ta capuche, princesse, les reflets d’ta tresse risquent d’attirer les teedos. » Sur le moment, Aysun s’est figée sous l’agacement palpable dont il a fait preuve. La contrariété est nette, mâtinée d’un entrain factice, la méfiance pourtant bien présente sur la pointe des voyelles et jusque dans l’arrondi chaud de sa voix. J-451 a répondu à son tour, une saillie pleine de dérision factuelle, quelque chose de mordant sans aucun doute. Elle n’a pas vraiment entendu elle veut bien l’admettre, presque trop honteuse d’avoir cédé, de s’être dénudé la tête et peut-être un peu l’âme aussi. Les doigts viennent courir sur la tresse aux mèches serpentines. Peut-être l’est-elle aussi un peu sous son dédain soudain mais elle ne souhaite pas s’y attarder. Une moue gracieuse sur ses lèvres, elle se dit qu’elle ne devrait pas se laisser distraire par un bandana rouge et une langue trop pendue.

Ce sont ses premières sorties et elle se sent gauche, plus encore quand on la taquine avec une dextérité qui suggère une telle désinvolture. Elle sait répondre aux poignards dans l’ombre, aux sarcasmes vénéneux – on apprend jeune à faire face à ce genre de choses chez les siens, mais ce type de propos si frontal et si bénin ? La voilà perdue.

Il lui a aussi dit : « Pour la peine, appelle-moi comme tu voudras, princesse. » Et quelque chose s’est tordu dans son bas-ventre. L’espièglerie a pris un autre tournant qu’elle hésite à reconnaitre. Le regard qu’il lui a lancé alors a l’incandescence des rivières de Mustafar et elle n’est pas certaine de mériter ce refus si ostentatoire. Il a probablement ses raisons se sermonne-t-elle et elle cille, opaque dans ses pensées. « Je vous prendrai au mot alors. Vous m'appelez princesse mais je n'en ai pas le titre et qu'est-ce que cela ferait de vous ? » J-451 fait tourner ses boulons, agacé. « Un chevalier peut-être ? »  Le visage d'Aysun se rembrunit. « C'est un titre qu'on ne peut donner, il n’est pas de bon augure. » Ceux qu’elle connait sont de Ren et il n’y a rien de preux ni d’honorable dans leur mise et l'homme n'est peut-être ni l'un ni l'autre en sus d'être persifleur mais elle ne saurait lui faire un tel affront.  

Elle continue son pèlerinage en ramenant contre elle les pans de sa cape bleu ciel. Les couleurs sont claires sous les rayons d’un soleil écrasant. Lui plaisante déjà à ses frais, un peu d’incrédulité dans le velours de sa voix. Son soupir a de quoi étourdir sa détermination mais maintenant que sa colère est tout à fait retombée, elle s'en amuserait presque. « Vous n'avez pourtant pas l'air d'avoir le nez si long à vouloir le mettre ainsi partout. » Elle lève son nez à son tour. Il n'y a rien de terrible dans sa remarque, au contraire. Elle commence à sentir toute la prévenance qu'il refuse de laisser apparaitre. Il ne la croit pas capable et sans doute a-t-il raison. Néanmoins un autre l’aurait déjà laissée à son triste sort. Elle serait redescendue sans mot et fin de l’histoire mais voilà qu’il restait et qu’il gourmandait ce pauvre Jan de la laisser courir des dangers inutiles. « J’ai été programmé pour donner des conseils avisés non pas pour les imposer, monsieur ! » La fréquence sidérurgique de J-451 roule dans le vent du désert et elle sent toute la désapprobation de son fidèle droïde. Elle retient un léger rire en levant ses doigts fins devant ses lèvres puis s’arrête, les pans de sa tenue voletant agréablement sous la brise désertique. « Tu ne penses tout de même pas qu’il a raison, Jan ? Trahison ! » Une lumière rouge tourne. « Madame… »

« Si tu fais ça pour m’impressionner, c’est pas la peine, princesse. » Elle se laisse rattraper par l’intrépide et lui sourit enfin maintenant qu’il s’est découvert. Pas le visage non, mais l’âme. « Prenez garde, c’est vous qui risquez de vous tordre le cou à tout enjamber aussi rapidement. » Elle est soulagée en vérité de ne pas avoir à faire l’ascension seule. Elle aurait aimé ne pas lui donner raison, ne pas admettre sa propre faiblesse mais elle n’a guère l’arrogance de se croire trop invincible pour ne pas prendre une main tendue, même si elle vient d’un être terriblement moqueur. « Vous venez pour me pousser ? » Elle dit ça, l’expression fondante et un rare amusement pailletant le regard timide. « Nous ne sommes pas encore si haut... Oh » Elle fait l’erreur de regarder les gouffres béants que laisse la carcasse de l’Inflictor au soleil brûlant de Jakku. Un instant, le vertige est entier. Ils ne sont pourtant qu'au début mais elle sent déjà le sang ralentir dans ses veines et elle se recule dans une inspiration sèche. Elle n’a pas le temps de se ressaisir que l'audacieux gronde Jan avant de lui faire ouvertement des reproches. Elle le regarde abasourdie, parce qu’il ose mais aussi parce qu’elle voit bien dans l’immensité des yeux bruns bordés d’or qu’il n’a pas tort.

Ou plutôt qu’il a grandement raison.

« Je ne saurai… je… pardon ? » Les pupilles se dilatent sous l’horreur et la poitrine se creuse sous une nouvelle angoisse. Elle regarde effarée son droïde et l’invite finalement à les rejoindre. « Ce n’est pas fait pour ses bras et ses jambes métalliques alors je ne voulais pas... » Elle tente d’expliquer sa maladresse, qu’il ne croie pas un seul instant qu’elle ait pu vouloir mettre son précieux compagnon en de mauvaises mains. « Jan est avec moi depuis que je suis toute petite. » Elle sait ce dont il est capable, la technologie de pointe dont il est doté mais ce n'est pas parce qu'il peut qu'on doit le soumettre au pire s'est-elle toujours dit.

Pendant ce temps, J-451 a déjà modifié ses doigts pour des crampons en un tour de manivelle. « Pas plus grande qu’un ewok, tout à fait madame. Puis-je rappeler que j’ai été forgé dans les meilleures métallurgies de la Galactic Solutions Industries, il n’y a donc aucune inquiétude à avoir. Nous sommes programmés pour… » Elle ne peut s’empêcher d’échanger un regard avec le jeune homme, un amusement serein au bord des cils. « On ne va plus pouvoir l’arrêter maintenant. » Elle chuchote avant de se tourner et de reprendre son expédition. « Je crois que ma cape me gêne. » Elle fronce les sourcils et s’en déleste en pliant le vêtement pour le mettre dans un creux, à l'abri. « Je la reprendrai quand on redescendra. » Tandis qu’elle se relève, elle le surplombe légèrement. Elle en profite pour lui glisser un sourire rempli de nouvelles certitudes. « Ma dépouille ? Oh, il ne m’arrivera rien. Vous êtes un paladin. C'est trop tard, je connais votre secret dorénavant. »

Derrière, les énumérations de J-451 continuent d'onduler, sable dans le vent.


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